“Il nous manque une quinzaine d’élèves pour maintenir l’ouverture de notre école pour cette rentrée 2023.” Sophie Courvoisier, directrice du Cours hôtelier de Besançon (Doubs), tire la sonnette d’alarme. Et pour cause : cet établissement, fondé en 1916, puise déjà dans ses réserves financières depuis les deux rentrées précédentes, faute d’effectifs suffisants “pour atteindre le seuil de rentabilité”. Cette année, Sophie Courvoisier se dit même prête à “décaler d’un mois la rentrée”, pour trouver les élèves qui lui manquent. Même inquiétude au lycée polyvalent Valéry Larbaud, à Cusset (Allier) : “Nous avons du mal à remplir le BTS Hôtellerie depuis plusieurs années. Et ce, même avec l’apprentissage”, constate Claire de Maximoff, enseignante en services et commercialisation au sein de cet établissement. Les raisons de cette désaffection ? Sophie Courvoisier met en avant “la méconnaissance des métiers de l’hôtellerie de la part des jeunes”. Elle déplore “un manque de communication sur la diversité de ces métiers et sur les différents types d’hôtels au sein desquels on peut faire carrière”.
Claire de Maximoff, quant à elle, pointe “une mauvaise image du secteur de l’hôtellerie”, depuis le Covid, “où l’on ne parle que des horaires à rallonge et des conditions de travail difficiles”. “Or, poursuit-elle, des efforts ont été faits depuis, pour le bien-être au travail, en particulier par les grands groupes hôteliers.” Mais “toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne”, nuance Christophe Joublin, président de l’Aflyht (voir ci-dessous). Ainsi, les effectifs sont en hausse à la Cité des formations à Tours (Indre-et-Loire). “En hôtellerie-restauration, nous avons une trentaine de jeunes en plus, comparé à la rentrée 2022, soit près de 500 élèves du CAP au BTS”, observe la directrice, Marie Jo Bodin. Avec la mention complémentaire barman, “qui a le vent en poupe”. Tout comme celle dédiée à la sommellerie. Quant aux CAP cuisine, “ils sont tous complets”. Même dynamique à l’école hôtelière Lesdiguières de Grenoble (Isère) : “Cette année, on pousse les murs ! Nous faisons face à une montée en charge des inscriptions, qui s’explique notamment par le succès des journées portes ouvertes”, confie Véronique Lemasson, formatrice au sein de l’établissement isérois. Elle ajoute à cela l’attractivité de l’apprentissage : “Les jeunes ont envie de goûter au terrain. Ils veulent du contenu théorique, mais aussi des interactions avec les professionnels.”
“L’apprentissage, ce n’est pas forcément la panacée”
La réforme de l’apprentissage répond-elle aux attentes des jeunes ? “Oui, répond Véronique Lemasson. D’ailleurs, tous nos meilleurs élèves s’orientent vers l’apprentissage.” Didier Leder, proviseur du lycée des métiers Théodore Monod, à Antony (Hauts-de-Seine), voit aussi du bon dans cette réforme : “Cela va nous aider à multiplier les contacts et développer les actions avec les entreprises.” “Nous accueillons davantage d’alternants, reconnaît également Claire de Maximoff. Pourtant ce n’est pas toujours évident d’allier théorie et pratique dans un même emploi du temps.” Avis partagé par Philippe François, président d’honneur de l’Amfohrt - désormais présidée par Abderahman Belgat - : “L’apprentissage, ce n’est pas forcément la panacée. Il existe un temps pour se former et un temps pour le terrain. Si l’alternance fonctionne pour un commis, fonctionne-t-elle aussi bien pour un jeune qui étudie le management et qui a besoin de beaucoup de théorie ? Ne pourrait-on pas imaginer une alternance plus souple, où l’on donne davantage de liberté aux écoles pour ajuster ces temps de théorie et de pratique selon les profils et les besoins de chacun ?” La question est posée. Et des éléments de réponses pourraient être donnés lors du 38e congrès de l’Anephot, en novembre prochain, sur le thème : ‘Osez le changement’ (voir encadré).
Séduire les jeunes
Pour l’heure, les établissements de formation multiplient les initiatives pour rester attractifs. Tout est mis en œuvre pour séduire les jeunes et les fidéliser. Ainsi l’École hôtelière de Paris - lycée Jean Drouant (XVIIe) organise deux jours de séminaires, les 6 et 7 septembre, pour les entrants en BTS management en hôtellerie-restauration. L’idée : faciliter l’intégration, nouer des contacts avec d’anciens étudiants, présenter la diversité de l’offre hôtelière actuelle. Le lycée Valéry Larbaud de Cusset mise sur la dynamique du travail en groupe sur un même projet, les expériences à l’étranger - via Erasmus - et les sorties pour découvrir les coulisses d’un restaurant, d’un marché, d’une halle gourmande… Quant à l’école hôtelière Lesdiguières en plus de son hôtel d’application désormais classé 4 étoiles, elle vient de se doter d’un internat destiné aux jeunes des filières pro et techno, pour leur éviter des temps de trajet trop longs ou des locations de logement trop coûteuses. Enfin, à Tours, on innove. Catherine Barrier, fille du chef triplement étoilé Charles Barrier, ouvre les archives familiales et les met à disposition des écoles hôtelières : “Le parcours de mon père, parti de rien et sans le sou, peut susciter des vocations et donner des envies aux jeunes”, dit-elle. Quant à la Cité des formations, grâce à un partenariat avec la Métropole de Tours et la région Centre Val-de-Loire, elle va bénéficier d’un nouveau bâtiment et d’une modernisation de ses outils pédagogique, à hauteur de 30 millions d’investissement, d’ici à 2030.
Publié par Anne EVEILLARD