Les émissions de cuisine suscitent des vocations. La vogue des hôtels de charme, en marge du stress des grandes villes, donne des idées. Quant à la crise économique, elle incite chacun à reconsidérer ses priorités. On cherche désormais à s'adapter à un environnement instable en sécurisant son parcours professionnel, quitte à changer d'orientation. Certains se disent alors que troquer la vie de bureau contre des fourneaux ou pour un hôtel au vert changera leur quotidien. "Cela va surtout changer leurs horaires", commente Arnaud Duhem, à la tête de la société de conseil Carpe Duhem. Il explique d'emblée aux clients qui souhaitent se reconvertir dans l'hôtellerie- restauration qu'ils devront "se mettre au service des autres". "Je leur demande s'ils sont prêts à consacrer jour et nuit à leur nouveau métier. Car sans passion, ce n'est pas la peine de s'aventurer ni dans la restauration, ni dans l'hôtellerie."
Trouver ses marques
Certes, on peut penser que l'on sera plus libre une fois à son compte. Il n'en demeure pas moins que si la sanction ne vient plus d'un patron, elle vient du client et sera immédiate. Ce qui nécessite davantage de présence sur le terrain. "Surtout au début, où il faut trouver ses marques", se souvient Gilles Cibert. Ingénieur en agriculture de formation, il a repris l'hôtel La Pérouse, à Nantes (44), il y a dix ans. "Les six premiers mois, je ne touchais pas terre. Je n'avais plus aucune notion des horaires." Aujourd'hui, il ne regrette rien. "Je vis une belle aventure. Au départ, le fait de passer de l'état de salarié à celui de chef d'entreprise me donnait une impression de vertige. Mais, avec le recul, je m'aperçois que j'étais mon pire frein en la matière." D'autant qu'aujourd'hui la reconversion professionnelle a le vent en poupe (voir encadré). "Elle devient une option réaliste ainsi qu'une véritable réponse aux enjeux du monde du travail actuel et au risque de perte d'emploi", explique-t-on à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).
"La passion est un substitut à la formation"
"Beaucoup viennent me demander conseil avant d'ouvrir ou de reprendre un restaurant", confie Pascal Mousset. À la tête du groupe Les Tables Mousset et du restaurant du Sénat, il encourage volontiers ceux qui souhaitent se reconvertir : "la passion est un substitut à la formation". "Reste que l'on ne s'improvise pas cuisinier", nuance Gilles Cibert. "La restauration est un métier très exigent, reprend Pascal Mousset. En particulier en terme de disponibilité : ouvrir ou reprendre un restaurant, c'est mettre sa vie privée entre parenthèses pendant deux à trois ans." Lorsqu'on lui parle de ne pas ouvrir un établissement le soir, pour préserver une qualité de vie, Pascal Mousset sourit : "C'est impossible dans une ville comme Paris, vu le montant des loyers ".
Xavier et Laurent Aubry sont frères. Après une carrière dans le secteur de l'industrie pharmaceutique pour le premier et des postes de directeur commercial dans l'agro-alimentaire pour le second, ils ont ouvert un restaurant Planet Sushi à Angers (49). Leurs motivations ? "Le principe de la franchise et l'accompagnement proposé par Planet Sushi." Ils ont, en effet, bénéficié d'un suivi et de conseils, "de l'élaboration jusqu'à la réalisation du projet" et d'une formation de trois mois, afin de maîtriser tous les aspects du métier. "La franchise peut paraître moins risquée, mieux encadrée, mais la passion du métier demeure primordiale pour réussir", observe Pascal Mousset.
Dans l'hôtellerie aussi, mieux vaut être passionné. Il ne suffit pas d'aimer la décoration ou d'avoir un bon contact avec la clientèle. Car, derrière ce défi, se cachent des impératifs de budget, de marketing, d'organisation, de gestion du personnel, de communication. Difficile de s'en sortir sans un minimum de notions. "Changer de secteur et de métier en même temps, c'est un double risque", rappelle Robert Ostermann. Président de Mezzo di Pasta et associé de la société de conseil Un tigre en ville, il recommande aux candidats à la reconversion de "ne pas rester seuls face à leurs choix". Il les invite à faire un bilan de compétences et à mener une "expérience ouvrière", dans un hôtel ou un restaurant. "Car on n'applique pas les recettes du secteur de la finance, de l'industrie ou encore de l'enseignement à celui de l'hôtellerie-restauration. Il faut se plonger, s'immerger dans l'histoire et la culture du nouveau secteur que l'on veut intégrer." Autrement dit : rester humble, observer, apprendre, avant de "se faire accepter".
Publié par Anne EVEILLARD