Pour Christie, le marché hôtelier français résiste bien

Malgré les tensions économiques et géopolitiques actuelles, le marché hôtelier a bien résisté et reste dynamique en cette fin d’année 2023. Tour d’horizon avec Jean-Christophe Charolle, responsable des transactions hôtels France pour Christie et Guillaume Garcin, directeur général France chez Christie.

Publié le 23 novembre 2023 à 17:05

L’Hôtellerie Restauration : Quel est l’état du marché immobilier hôtelier à l’heure actuelle ? 

Jean-Christophe Charolle et Guillaume Garcin : Le marché reste dynamique même s’il n’a pas encore retrouvé un niveau d’investissement équivalent à 2019. Les prix de vente sont exceptionnels, les transactions se font toujours, le marché parisien résiste très bien même si on parle de 5 % de baisse de prix pour la capitale. Ce qui est le plus marquant c’est la baisse importante des ventes d’actifs par les investisseurs institutionnels car ils considèrent qu’il va y avoir un repricing [des changements de prix, NDLR] sur l’hôtellerie [en raison des taux d’intérêt élevés et des problématiques de refinancement qui peuvent faire diminuer les prix de vente].

En 2009, lors de la crise des subprimes, les acquéreurs qui disposaient de liquidités importantes attendaient que ‘les fruits tombent de l’arbre’ mais, en face, on avait des vendeurs qui pouvaient attendre. Donc le marché s’est figé et quand il a rouvert, les performances hôtelières étaient bonnes. Même chose pendant le Covid. Aujourd’hui, s’il y a cinq hôtels décotés face à 1 500 on ne peut pas parler de baisse de prix. Le seul risque, c’est que le marché se fige à nouveau.

 

Quels sont les profils des acheteurs 

  • On trouve des fortunes familiales (ou family office) : ils cherchent des biens coup de cœur, qui leur parlent, sur des emplacements premium.
  • Ceux qui dynamisent le marché actuellement : les fonds de private equity (ou capital-investissement ou capital privé). Exemples : Extendam, Eurazeo Eternam, 123 IM, Montefiore… Ils investissent en binôme avec un opérateur hôtelier, ce qui fonctionne très bien car il y a le ‘sachant’ hôtelier d’un côté et l’investisseur de l’autre. Leur objectif est de développer une société pour dégager une plus-value au moment de la cession.
  • Les institutionnels : ils n’ont pas été très actifs cette année car l’immobilier est trop exposé et les retours sur investissement ne sont pas assez compétitifs. Ils réinvestissent actuellement sur d’autres supports.

 

Quels sont les profils des vendeurs ?

Il y a toujours des particuliers mais, actuellement, les vendeurs sont surtout les fonds de private equity, lorsqu’ils sont contraints de vendre. En effet, ils doivent nécessairement sortir les actifs au bout de six à sept ans, étant agréés AMF ; c’est ce que l’on appelle des fonds fermés. Ils subissent les fluctuations du marché.

 

Comment se positionne le marché hôtelier par rapport au développement durable ?  

Le marché hôtelier est très en retard sur ce point. Et ça coûte cher d’être en retard car, au-delà de l’aspect normatif, se mettre à la page côté environnement c’est aussi faire des économies, notamment en matière d’énergie, dont le coût va certainement encore augmenter.

Le développement durable n’a pas encore d’impact notable sur le marché, mais les institutionnels sont un peu obligés d’y être attentifs car leurs financeurs l’exigent. Dans les audits techniques, on voit apparaitre les audits énergétiques et environnementaux.

Prenons le cas de la montagne : c’est un vrai problème car beaucoup d’hôtels sont de vraies passoires énergétiques. Finalement, pour certains établissements, souvent construits dans les années 1970, il vaut mieux raser pour tout reconstruire.

 

On entend parler des difficultés d’obtenir des prêts pour les particuliers. Est-ce le même cas pour les professionnels ?

Oui, les banques sont plus restrictives dans l’octroi des crédits, qu’il s’agisse des montants alloués que des crédits eux-mêmes. Les petits investisseurs ont du mal à trouver des financements.

 

Quel est le délai moyen pour une vente ?

Le délai moyen de cession ne fait que s’allonger. Entre la prise de mandat et la vente effective il se passe entre sept et douze mois, contre quatre il y a quinze ans. C’est souvent justifié par la structure de cession, qui a changé : on vend désormais beaucoup de sociétés, via des achats de titres. Cela nécessite des audits plus profonds, à l’issue de quoi il y a toujours une discussion par rapport à la garantie de passif, qui va prendre du temps. Certaines transactions échouent à ce moment-là.


Publié par Romy Carrere et Roselyne Douillet



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