Pour la cuisine note à note, on n'utilise ni viande, ni poisson, ni fruit, ni légume, ni lait, ni oeuf… mais des composés. Évidemment, il y a toujours la crainte que ce soit difficile, ou long… mais ce n'est pas vrai : n'ayons pas trop peur. Bien sûr, on me dira que si l'on prend une crevette, c'est tout fait : il suffit de cuire, par exemple quelques instants dans une poêle… mais ne faut-il pas décortiquer ? Alors que, pour faire un équivalent de viande, il suffit de prendre une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis de chauffer quelques secondes dans un four à micro-ondes, ou dans une poêle, ou dans une friture… afin d'obtenir un 'dirac'.
Car, plutôt que de parler de viande artificielle ou de poisson artificiel, il y a les 'diracs' : ce sont ces objets qui ont la même composition que la viande ou le poisson, à savoir environ un quart de protéines, et trois quarts d'eau. Bien sûr, on peut en faire de tas de sortes : des mousseux, des émulsionnés (si l'on ajoute de la matière grasse), des fibreux (si l'on racle la pâte avec une fourchette ou un peigne, avant la cuisson), des feuilletés, des durs (si l'on augmente la proportion de protéines), des mous (si l'on réduit la quantité de protéines), des moelleux (si l'on ajoute beaucoup de matières grasses)… Et de toutes les couleurs : il suffit de changer de colorant, et de tous les goûts : il suffit de choisir les composés odorants ou sapides que l'on utilise !
D'ailleurs, on peut aussi mêler cette structure de base (un quart de protéines, trois quarts d'eau) à un empois d'amidon, à de la cellulose, à des sucres lents variés… pour varier les consistances.
Mais les protéines, où les trouve-t-on ? Il y a bien sûr les protéines de blanc d'oeuf, déjà évoquées, mais celles-ci, quand elles cuisent, donnent un peu un goût d'oeuf. Pour l'éviter, les protéines sériques du lait sont une belle solution.
Ces dernières viennent donc du lait, qui contient deux sortes de protéines. Les premières sont les caséines, dont la coagulation fait les fromages ou les yaourts : par de l'acide, par des bactéries, par des levures… Les secondes sont dans la solution aqueuse où ces gouttelettes de matières grasses sont dispersées, dans ce que l'on nomme le sérum. Et c'est la raison pour laquelle ces protéines du sérum sont nommées protéines sériques. Celles-là peuvent coaguler quand on les chauffe, comme des protéines du blanc d'oeuf.
Les précautions à prendre
Il se peut que les protéines laitières contiennent des traces de lactose, de sorte qu'on évitera leur emploi pour des convives allergiques au lactose.
D'autre part, il est probable que vous devrez commander des quantités notables de ces protéines et que vous devrez vous donner plus de mal que quand vous allez au coin de la rue chercher une baguette. Courage, leur emploi va se généraliser, et ce sera bientôt plus facile.
Quelques idées techniques
• Pour obtenir un matériau qui a l'apparence du blanc d'oeuf mais où il n'y a pas d'oeuf, on mélange 10 % de protéines sériques et 90 % d'eau, et l'on chauffe. On obtient ce que j'ai nommé un dirac de protéines sériques laitières.
• Pour obtenir un matériau qui a plutôt la dureté de la viande, il faut maintenant cuire une solution qui contient entre 20 et 30 % de protéines sériques. Et l'on peut faire des matériaux encore plus durs, à volonté.
• Évidemment, on peut faire des diracs mousseux, des diracs émulsionnés, des diracs fibrés… Et l'on n'oubliera pas que cela n'a guère d'intérêt culinaire de faire des produits insipides, tels les précédents : avant de cuire, on n'oubliera pas d'ajouter des colorants (alimentaires !), des agents de saveur (sucres, acides, sels, acides aminés…) et des composés odorants tels que ceux que j'ai déjà présentés.
• Pour des matériaux tels que les surimis, il est bon d'ajouter un empois d'amidon à la solution de protéines, puis de couler la préparation en couche mince avant de la strier à l'ide d'une fourchette ou d'un peigne ; puis, on cuit et l'on roule ou l'on superpose des couches striées.
Publié par Hervé THIS