Petite fille, Nadine Vincent n'était jamais loin des fourneaux de sa mère. Si bien que sa scolarité s'est vite orientée vers l'apprentissage. Adolescente, elle a enchaîné CAP, BEP et brevet professionnel, "pour affiner [s]on approche de la cuisine". Son objectif : "Intégrer l'univers de la gastronomie".
D'origine angevine, Nadine Vincent va passer ses quatre années d'apprentissage en alternance à La Toque blanche, une table de référence située aux Rosiers-sur-Loire (49). "À l'époque, le chef Gilles Klein ne logeait que les garçons. J'ai dû prendre un studio dans le village et c'est à vélo que je faisais les allers et retours entre chez moi et le restaurant." On ne lui fait pas de cadeau. Mais Nadine Vincent s'accroche. Il lui en faut plus pour la décourager.
À l'issue de ses stages à La Toque blanche, elle tente de se faire embaucher au sein de la brigade du château de Noirieux, un Relais & Châteaux situé à Briollay (49). Mais l'équipe du chef affiche déjà complet. L'angevine accepte alors traverser la France pour s'installer à Megève (74), où la Taverne du Mont d'Arbois la recrute pour la saison d'hiver. C'est durant cette saison mégevanne que Nadine Vincent rencontre celui qui va devenir son mari, qui travaille avec elle en salle, pas en cuisine.
Après Megève, retour aux sources. Le château de Noirieux a désormais une place pour Nadine Vincent. Mieux encore : son mari est également recruté. Mais un an et demi après, le jeune couple a envie de tenter de nouvelles expériences. "On a cherché un peu partout", se souvient Nadine Vincent. Finalement, c'est à Megève qu'ils trouvent le scénario idéal : "Mon mari est pris au Domaine du Mont d'Arbois et moi aux Flocons de sel, en tant que demi-chef de partie", se remémore la jeune femme. Nous sommes en 2004. Le duo traverse une fois de plus la France pour retrouver les montagnes.
"J'étais la seule fille de la brigade"
"Je n'ai eu aucune difficulté à m'intégrer au sein de la brigade, déjà menée par le chef Emmanuel Renaut, confie Nadine Vincent. J'étais pourtant la seule fille. Mais j'ai tout fait pour prouver ce dont j'étais capable." À son arrivée aux Flocons de sel, la table était déjà réputée à Megève. Dans cette maison auréolée d'une étoile au Michelin, chaque coup de feu en cuisine engendrait pression et stress. Mais elle apprend vite : "Je suis passée par tous les postes : entrées, desserts, viandes, poissons…"
En 2006, le second d'Emmanuel Renaut le quitte. Pour le remplacer, le chef choisit Nadine Vincent. L'ascension est rapide pour la jeune femme. Elle s'adapte, tient le rythme, tout en restant sur la même longueur d'ondes que l'étoilé. Une connivence et une relation de confiance qui vont inciter Emmanuel Renaut à faire découvrir à son nouveau bras droit d'autres cuisines, d'autres chefs : "Je l'ai accompagné lors de voyages au Liban, au Japon et plus récemment à Singapour."
"Nous n'avons pas droit à l'erreur"
Début 2012, l'arrivée d'une troisième étoile aux Flocons de sel n'a fait que confirmer le talent du chef et la cohérence de sa brigade. "Nous n'avons pas droit à l'erreur", explique Nadine Vincent. Exigence et constance dans le travail sont de rigueur. Quant à la transmission des savoirs et du savoir-faire, "il faut prendre le temps de dialoguer et échanger avec les jeunes recrues", confie-t-elle.
Parallèlement à la pluie d'étoiles qui s'est abattue sur les Flocons de sel, Nadine Vincent a fondé une famille. Mère d'un garçon de 3 ans et d'une petite fille de quelques mois seulement, elle doit gérer sa vie professionnelle et sa vie personnelle. "C'est parfois compliqué. Surtout que je n'ai pas de famille sur place pour m'aider." Toutefois, depuis qu'Emmanuel Renaut a embauché un deuxième second, "[s]on emploi du temps est moins contraignant." Nadine Vincent travaille le matin, à l'heure du déjeuner, aide à la mise en place du soir, mais n'assure plus le service du dîner que de façon exceptionnelle.
À 30 ans, elle a trouvé son équilibre. L'Anjou lui manque un peu, mais elle fait avec. "Nous avons eu l'opportunité de racheter La Toque blanche. Mais l'investissement demandé était trop lourd pour nous. Nous y avons renoncé. Nos repères sont désormais à Megève." Malgré cela, elle retourne régulièrement déjeuner chez Gilles Klein. Car l'une des distractions favorites de Nadine Vincent, pendant ses vacances, consiste à s'offrir un bon restaurant. Pour ses 30 ans, elle a déjeuné chez Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid (43). Et le 8 mai dernier, elle confie être allé "chez Michel Bras à Laguiole". C'est cela aussi être une femme de goûts.
Publié par Anne EVEILLARD