Michelin 2012 : 3 étoiles au sommet

Megève (74) Emmanuel Renaut - Flocons de sel - Megève (74) Le chef-patron savoure cette troisième étoile tant rêvée. Retour sur un parcours pas si ordinaire et des choix assumés qui se sont avérés payants.

Publié le 10 mai 2012 à 18:43

Les guides Michelin des années 2001, 2006 et 2012 figurent dans la 'roue de la connaissance culinaire' installée depuis quelques semaines à la réception du Flocons de sel, à Megève (74). En 2001, c'est la 1re étoile, en 2006, la 2e, et cette année, la 3e. Cette roue est une surprise concoctée par Kristine Renaut pour son mari. Elle a confié à un ami artiste les livres de cuisine et les guides gastronomiques qui ont marqué la carrière du tout nouveau 3 étoiles.

C'est le 27 février, que Michelin a annoncé officiellement l'attribution de la 3e étoile au Flocons de sel. Sur place, Emmanuel Renaut reçoit le premier Michelin 2012 des mains de Michael Ellis, directeur international du guide. Les interviews s'enchaînent. Le chef est soulagé. Depuis quelques semaines, les médias et réseaux sociaux bruissent de rumeurs. Même si l'on sent que c'est acquis, aucune preuve ne vient valider l'information. Désormais, Emmanuel Renaut a la preuve en main. Il rayonne.

"La troisième étoile, c'est un travail d'équipe. Même si tu en es l'instigateur, c'est que tu as une équipe 3 étoiles", assure le chef-patron. Ses seconds, Nadine Vincent et Frédéric Don, Vincent Thomassier en pâtisserie, Ludovic Namur en sommellerie, Andrew Kirby et Nael Choucha en salle avec Kristine…"Toutes sont importantes dans l'équilibre de l'édifice. La 3e étoile, qui devrait permettre de lisser la fréquentation, aura pour conséquence de pérenniser les emplois à l'année. Nous sommes 45 dans l'entreprise. Dix de moins à l'intersaison. Or, je ne veux plus prendre des saisonniers. Il faut du temps pour comprendre la philosophie de la cuisine, l'esprit de la maison. Notre but, c'est de fidéliser nos collaborateurs et d'avoir un confort un travail pour être encore meilleur."

 

"Plus passionné par la moto que par la cuisine"

"Adolescent, j'étais plus passionné par la moto que par la cuisine. Pendant les vacances, j'allais aux Touches, près de Chamonix avec mes parents. Je me voyais dans les chasseurs alpins. J'ai toujours été très actif", raconte Emmanuel Renaut, natif de Soisy-Sous-Montmorency (95). Son grand frère, en formation pour devenir sommelier, lui offre une porte d'entrée sur le métier. Emmanuel entre au CFA de Laon, en Picardie et trouve son premier job au Fimotel de la même ville.

C'est à Paris qu'aura lieu le déclic. La Société des cuisiniers lui trouve un poste au Lotti. Et tous les jours, le jeune commis passe devant le Crillon. "Un jour, j'ai franchi la porte. J'ai commencé le lendemain matin, se souvient Emmanuel Renaut. Christian Constant dirigeait les cuisines avec deux seconds, Yves Camdeborde et Éric Frechon. Dans la brigade, Rouquette, Breton, Faucher, Felder, Jeannin, Marchal… Nous passions par tous les postes. En un an, j'ai appris énormément. Ma voie était tracée."

Le jeune homme est toujours un fou de la montagne. Il rêve de concilier cette passion avec celle de la cuisine. Il appelle Marc Veyrat, installé à Veyrier-du-Lac (74), près d'Annecy, et déjà 2 étoiles Michelin. Il y reste comme chef de partie jusqu'en 1992. "Je n'avais pas de visibilité de progression pour ma carrière, alors je suis parti chez Yves Thuriès approcher aussi la pâtisserie. Mais Marc Veyrat me rappelle. À 25 ans, une place de chef, ce n'est pas évident. Mais je fonce et je m'engage à rester jusqu'à la 3e étoile. Je l'ai vécue chez Marc Veyrat. C'était magique", se souvient-il. Un an et demi plus tard, il fait une incursion à l'étranger : une place de chef au Claridge à Londres. Il y rencontre Kristine, son épouse et mère de ses trois enfants. La suite, c'est le retour à la montagne. Il déniche à Megève une pizzeria en faillite. En 1997, il achète le fonds. Deux personnes en cuisine et deux en salle, l'histoire du Flocons de sel prend corps dans une cuisine minuscule. En 2001, ils sont 4 en cuisine et la 1re étoile tombe. En 2006, ils sont 7 pour la 2e étoile. Il est alors plus aisé de convaincre les banquiers pour mener à bien son projet : construire un restaurant avec quelques chambres et une cuisine spacieuse ouverte sur la nature, toujours à Megève, mais excentré dans la montagne. En décembre 2008, le Flocons de sel nouvelle génération accueille ses premiers clients. Un Relais & Châteaux qui emploie aujourd'hui 45 personnes.

 

"L'assiette doit être le reflet du paysage extérieur"

"Ma cuisine suit le même fil conducteur depuis une quinzaine d'années, mais elle s'est épurée, s'est ancrée dans son environnement. Il y a encore cinq ans, on trouvait à la carte du foie gras, du homard, du saint-pierre … Puis j'ai dit stop. Je veux privilégier les produits de l'arc alpin et travailler uniquement des poissons du lac. Nous avons une qualité de poissons incomparable : fera, lotte, perche, brochet, omble chevalier… Pour les légumes aussi, j'ai des producteurs dans la vallée. Je vais voir comment ils travaillent et ils viennent goûter ma cuisine. Nous avons un vrai bel échange."

"Je veux que l'assiette soit le reflet du paysage extérieur, ajoute-t-il. Une cuisine un peu rustique, proche de la terre, de la nature, très tournée vers les herbes du jardin, saine, qui me ressemble." Côté technique, "elle doit être présente mais pas ostentatoire, notamment pour la régularité des cuissons. Bien sûr, un oeil professionnel perçoit la technique, mais pour le client, ça doit rester naturel. La meilleure des technique, c'est celle qui ne se voit pas", dit le cuisinier, MOF 2004 ("à ma troisième tentative", précise-t-il humblement).

Ce qui a changé aussi au fil des années, c'est son approche. "Il y a encore sept ou huit ans, je ne prenais pas le temps de m'asseoir pour goûter tranquillement ma cuisine. Or, on n'a pas la même perception, le même oeil, lorsqu'on mange debout en cuisine ou si l'on déguste chaque plat assis en prenant le temps. C'est ce que nous faisons avec Kristine." Des évolutions qui ont porté leurs fruits. "Des clients japonais sont descendus de l'avion à Paris et sont venus immédiatement goûter ma cuisine. Un Sud-Africain vient de prévoir ses vacances en France pour venir chez nous. Cela me touche. On vit des moments exceptionnels", raconte Emmanuel Renaut, qui ajoute : "J'aime qu'un client me dise à la fin du repas : "Vous avez un style", ou "Je reconnaîtrai votre cuisine quel que soit l'endroit où je me trouve." Avoir une cuisine personnelle, qui nous ressemble et que l'on a envie de partager, c'est l'une des grandes joies de ce métier."


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Publié par Nadine LEMOINE



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