Tout jeune, Michel Rochedy était loin de se
douter, petit ardéchois de Saint-Agrève, qu'il serait un jour un pionnier de la
gastronomie en montagne, obtenant en 1979, la première étoile au Michelin à Courchevel. Fils d'aubergiste,
il aidait très jeune à la cuisine, sans être convaincu qu'il en ferait son métier.
Sa vocation première était d'être footballeur. Mais à l'époque, on ne discutait
pas la volonté de ses parents. C'est pour lui le départ en apprentissage chez André
Pic, chez qui sont passés les meilleurs : "C'était vraiment un coup
de chance." Michel Rochedy
transforme l'essai à la Tour d'argent
à Paris.
La guerre d'Algérie, où il
servira sous les ordres du général Bigeard,
le détourne quelques temps de ses fourneaux, et à son retour, il découvre
Courchevel. "Je suis arrivé pour un poste aux Cimes blanches avec mes deux valises. J'ai vu, en haut d'une
échelle, deux grands yeux bleus. C'était Maryse.
Et j'ai posé mes valises." C'est le coup de foudre. Le jeune couple achète,
quelques temps plus tard, en 1963, le
Chabichou un petit hôtel de neuf chambres. Ils travaillent à deux :
lui, en cuisine, elle en salle. La saga venait de commencer.
"J'ai toujours su m'entourer des meilleurs"
"Le premier Noël a été très dur. Nous n'avions aucune réservation. Nous
pleurions sur nos huîtres." Mais l'hôtel avec baignoire commune fait bientôt le plein. "Au
début, nous occupions les chambres libres, et puis il n'y en a plus eu."
Les Rochedy dorment sur des lits d'appoint installés dans la salle à manger,
après le service. "Je me souviens des parties de cartes
effrénées de clients qui nous faisaient veiller longtemps. Nous n'osions pas
leur dire que nous voulions nous coucher." Le Chabichou devient
prospère et le petit chalet d'origine est reconstruit en 1970 pour un hôtel de
25 chambres. Il s'agrandit encore cinq ans plus tard. L'établissement connaît
une fréquentation qui ne se dément pas, mais c'est Michelin qui lui offre ses premières heures de gloire. En 1979, Michel Rochedy, décroche une première
étoile, une révolution au pays de la fondue. Le Chabichou devient
incontournable et les célébrités s'y pressent. En 1984, la deuxième étoile
conforte la première. "La recette, c'est André Pic qui me l'a donnée : 'Faites simple, vous risquez d'être bon'."
Acteur économique de la station, le Chabichou maintient son activité à l'année,
ce qui est assez rare. La ville a d'ailleurs choisi de baptiser une piste à son
nom : Le boulevard du Chabichou. Cette réussite, Michel Rochedy la dédie à
sa femme, Maryse. "N'oubliez pas, derrière un grand chef, il y a une grande
femme." Leur fils, Nicolas, les
a rejoints à l'hôtel poursuivant ainsi l'histoire. En cuisine, depuis presque trente
ans, le chef partage ses fourneaux avec Stéphane
Buron. "J'ai toujours su m'entourer des meilleurs." Premier prix
Taittinger international, en 2002, meilleur ouvrier de France en 2004, Stéphane
Buron partage une grande complicité avec le chef. C'est lui qui a organisé, le
15 décembre dernier, une grande fête où étaient présents chefs étoilés,
chroniqueurs gastronomiques et même Michael
Ellis, directeur monde des guides Michelin.
À cette occasion, Michel Rochedy a poussé la chansonnette, son autre passion. Il
connaît le répertoire de Jean Ferrat
par coeur et reprend avec conviction Qua
la montagne est belle et C'est loin
la vieillesse. D'ailleurs, Michel Rochedy, 80 printemps, n'entend plus
rien dès qu'on lui parle de sa retraite.
Publié par Fleur Tari