L'Hôtellerie
Restauration : Que pensez-vous de la cuisine de Yannick Alléno ?
Michael Ellis : Ce qui est extrêmement
intéressant, c'est que la cuisine de Yannick Alléno au 1947 est très
différente de celle de son restaurant à Paris, même s'il fait toujours
référence aux extractions, à la concentration des saveurs et à la fermentation.
Il signe une cuisine savoyarde moderne qui marie les produits locaux et une
haute technicité. Cette idée de concentration des goûts par la
cryoconcentration donne du relief à des produits au goût peu prononcé. Les
saveurs sont marquées, comme l'oseille qui a pris mon palais en otage. C'est
étonnant et unique. Il réalise un travail qui traduit un vrai décalage dans la
cuisine.
Votre sentiment sur le
millésime 2017 ?
Je termine ma sixième année et je crois que la vitalité de la
gastronomie en France n'a jamais été aussi remarquable. Nous avions 46 nouveaux
étoilés en 2015, 54 en 2016 et 70 en 2017. C'est la preuve de cette
effervescence . Il faut aussi souligner que cette vitalité s'épanouit dans
toutes les régions. Le maillage territorial est de plus en plus dense.
Chef-patron ou chef salarié ?
Pour Michelin, seule l'assiette entre en ligne de compte. Quand un chef
est en cuisine, il est chez lui. Le fait qu'il soit propriétaire ne peut pas être
pris en compte. Ce n'est pas un critère dans l'évaluation des inspecteurs, même
si, dans ce climat économique compliqué, on est ravis quand on constate la
réussite d'un chef-patron. D'ailleurs, on voit de plus en plus de petites
structures, où l'investissement et la masse salariale sont réduits. Il est
alors plus facile de survivre, surtout dans un contexte où les réservations sont
en dents de scie.
Quelles sont les tendances ?
La tendance des cartes courtes
se confirme. Elles sont justifiées aussi bien économiquement et qu'écologiquement,
en privilégiant les circuits courts pour des produits frais et locaux. D'ailleurs,
c'est ainsi que certains sont capables de proposer des prix imbattables comme Jérôme
Jaeglé [1 étoile], avec son menu à 24 €. Le seul conseil que Michelin donne : votre objectif
doit être de remplir votre restaurant avec des clients qui veulent revenir. Il
faut se poser deux questions : que veulent-ils manger et combien sont-ils
prêts à payer ?
Allez-vous mettre les métiers de la salle en avant dans le guide ?
Nous sommes en pleine réflexion sur le service en salle car nous
adhérons à cette idée qu'il faut mettre en place une recommandation explicite
de l'expérience au sein du restaurant. Nous voulons nous assurer des critères
objectifs pour l'évaluation. Ils doivent aussi être applicables dans tous les
pays.
Et la pâtisserie ?
C'est aussi un domaine sur lequel nous travaillons, qui nous tient à coeur
et qui demande du temps. La tradition française en pâtisserie est spécifique et
nous devons prendre en considération les cultures des différents pays pour
élaborer des critères objectifs.
Publié par Nadine LEMOINE