C'est une question de bon sens, aime répéter Stephan Martinez. Sauf qu'il fallait le faire... Stéphan Martinez, troisième génération de restaurateurs, est propriétaire et exploitant, avec son frère, de l'Auberge Saint-Roch, à Paris, quand il décide de valoriser les déchets alimentaires de l'établissement avec des vers de terre. L'histoire commence dans sa cave. En bon père de famille, respectueux de l'environnement, fort de ses convictions, il tente de convaincre son entourage, ses filles, ses clients, qu'on peut faire mieux qu'incinérer ou enfouir en décharge les déchets alimentaires. Dans cet esprit, il crée la Moulibox. Un outil pédagogique qui renferme 150 vers et qui permet de se familiariser avec le compostage. « On me prenait pour un restaurateur farfelu. Mais j'avais le soutien de ma grand-mère, qui me rappelait que lorsqu'elle était aux fourneaux, on donnait les pluches pour les cochons, le marc de café aux jardiniers ou le pain aux éleveurs de poules et de chevaux ». L'aventure va véritablement démarrer avec l'acquisition d'un bistrot passage Choiseul. « Nous étions à deux minutes du siège du Synhorcat, aujourd'hui GNI. On s'est mis à discuter avec l'équipe et j'ai intégré la commission durable de l'organisation professionnelle. »
Opération pilote réussie
En 2012, tombe la
réglementation sur les bio-déchets. « Il
fallait réfléchir à une solution car les restaurateurs allaient être concernés
tôt ou tard. Le président du GNI, Didier
Chenet, estimait qu'il fallait qu'on
prenne les choses en main ». En 2014, le syndicat de la rue de Gramont
lance une opération pilote, emmenée par Stephan Martinez, qui reçoit l'avale de
la Mairie de Paris et qui consiste à initier le tri et la collecte quotidienne des bio-déchets (gratuite pour les
établissements) dans 80 établissements de restauration de typologie et de
taille variées (de 4 à 500 salariés) situés dans les 1er, 2ème et 8ème
arrondissements de la capitale, sur une durée de 11 mois. Soit une moyenne de
plus de 3 tonnes collectés par jour. Le syndicat va alors réaliser des études
et un rapport sur la mise en place du tri des bio-déchets dans la restauration
prouvant la capacité et l'intérêt de la branche à s'engager dans la démarche. « Cette opération a montré la
faisabilité. Les professionnels parisiens,
qui n'ont pas beaucoup de place, s'inquiétaient parce qu'il fallait une
poubelle supplémentaire. Ils s'interrogeaient sur la réaction du personnel, qui
allait devoir modifier leurs habitudes. Mais ça a fonctionné. Les volumes
collectés ont été près de deux fois supérieurs aux prévisions ». Et 2 500
salariés ont ainsi été durant cette période sensibilisés au gaspillage
alimentaire et à la réglementation... Pour mettre en place l'expérimentation,
Stéphan Martinez, qui avait dans le
passé suivi une formation pour être maître-composteur, développe une
méthodologie complète de la collecte au compost et à la méthanisation. Le
compost sera destiné aux maraîchers qui fournissent les restaurants, le biogaz
servira notamment de carburant pour les camions de la collecte. Entre autres. Pour
la mettre en pratique cette méthodologie, le restaurateur lance une entreprise solidaire d'utilité sociale :
Moulinot, dont l'objectif est de créer un compost « haute couture » produits
par les vers et les déchets alimentaires de la restauration, et de l'énergie
intelligente. Son slogan : l'économie circulaire en vers et pour tous !
En 2018, Moulinot s'est structuré avec une collecte de 600 T par mois et 35
emplois à la clé.
La position du GNI
Les professionnels de la restauration sont prêts à s'engager
dans la filière et l'opération pilote a permis de lever les freins techniques. Paradoxalement,
la collecte des bio-déchets se traduit par un coût supplémentaire pour les
restaurateurs (pourtant vertueux) qui doivent faire appel à un prestataire
extérieur. Dès lors, un développement massif de la filière est nécessaire pour
réduire ce coût. L'organisation souhaite la mise en oeuvre d'un mécanisme
incitatif temporaire, capable d'impulser la filière, s'inspirant notamment de
la loi Garot pour la grande distribution.
Bio-déchets : ce
que disent les textes
Depuis 2012 (Grenelle de l'environnement), les gros
producteurs de bio-déchets doivent assurer leur tri à la source en vue de leur
valorisation organique. Ne pas mettre en place le tri est un délit :
75 000 euros d'amende et jusqu'à 2 années d'emprisonnement.
Depuis 2016, tout établissement générant plus de 10 tonnes
de bio-déchets par an est soumis à cette réglementation. En restauration, ces
10 tonnes équivalent à un site réalisant entre 150 et 300 couverts/jour.
La loi de transition énergétique (2015) fixe une progression
du développement du tri à la source des déchets organiques, jusqu' à sa
généralisation pour tous les producteurs de déchets avant 2025.
biodéchets #StephanMartinez# GNI Didier Chenet
Publié par Sylvie SOUBES