Le Four Seasons George V est encore fermé. Au Peninsula, on peut déjeuner, dîner, prendre un café, mais aucune chambre n’est ouverte, ni même le spa. Au Bristol, la porte à tambour tourne à nouveau, mais pour inciter les voyageurs à l’emprunter, une réduction de 10 % est accordée sur “le meilleur tarif disponible”, avec double surclassement à la clé… Les palaces parisiens ne sont pas à la fête en cette rentrée 2020 : Covid et zone rouge obligent, la clientèle étrangère n’est pas au rendez-vous et impossible de prévoir quand elle va revenir. “À Paris, le taux d’occupation des palaces oscillent entre 4 et 12 %”, constate François Delahaye, directeur général du Plaza Athénée et directeur des opérations de Dorchester Collection. Des chiffres au plus bas. “Les amoureux du Plaza et du Meurice sont revenus”, nuance-t-il. Mais il cible, ici, les habitués domiciliés dans la capitale. Résultat : “Au Plaza, nous faisons 35 couverts au dîner dans le restaurant d’Alain Ducasse, 40 couverts le midi et le soir au Relais Plaza. La galerie est fréquentée au moment du café, la terrasse fonctionne aussi plutôt bien, mais le bar est déserté, car le report de la clientèle des discothèques se fait plutôt sur les péniches amarrées sur la Seine”, détaille François Delahaye.
Au Crillon aussi, c’est l’offre culinaire qui fédère, pour le moment : jardin d’hiver, cour d’honneur et rooftop éphémère de 200 m2 suscitent l’intérêt des Parisiens. Cet été, le food truck Citroën, dédié aux glaces ‘made in Crillon’, recevait chaque jour “entre 150 et 250 clients”, précise Vincent Billiard, directeur général du palace de la place de la Concorde. Après avoir travaillé notamment en Asie, il apprécie d’être en France durant cette crise sanitaire : “Je peux tout lire, tout comprendre, y compris un texte de loi, puis tout restituer et tout expliquer aux équipes, car le français est ma langue maternelle. Si j’avais dû le faire en Chine ou au Japon, cela aurait été une toute autre affaire.”
“ 25 à 30 % des effectifs sont menacés de licenciement”
“Nous avons une responsabilité sociétale, car nous ne pouvons pas abandonner nos salariés et nos fournisseurs. C’est pour cela que nous avons rouvert, alors que l’hôtel n’est rentable qu’à partir de 60 % de taux d’occupation”, commente le directeur général du Plaza Athénée. Les pertes sont donc lourdes en termes de chiffres d’affaires. François Delahaye tire la sonnette d’alarme. Il a même écrit à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance. “Mais personne ne m’a répondu, regrette-t-il. Or, si le Gouvernement ne nous accompagne pas en garantissant 70% des salaires jusqu’à la fin 2021, ce sont 25 à 30 % des effectifs des palaces - fleurons du patrimoine français - qui sont menacés de licenciement.” Et ça fait du monde : rien que le Plaza Athénée et le Meurice réunissent, à eux deux, un millier de salariés. Quant aux plus jeunes recrues, elles vont devoir patienter : très rares sont actuellement les places pour des extras, apprentis, stagiaires et alternants, dans les palaces parisiens. “D’habitude, au Plaza, nous avons 80 apprentis. Aujourd’hui, nous n’en avons aucun”, regrette François Delahaye, qui n’envisage pas d’éclaircie avant le printemps 2021. Avis partagé par Vincent Billiard, pour qui le retour de la clientèle européenne serait déjà “un bon début”.
Publié par Anne EVEILLARD