Bernard Boutboul : Nous avons vécu trois grandes périodes dans les cartes de restaurant. Avant 1980, la carte était un instrument sur lequel on investissait peu. Sur la période 1980-2000, avec le déploiement des chaînes, la carte est devenue un instrument marketing. De 2000 à 2010, les restaurateurs mettent de moins en moins d'argent dans la réalisation de carte. Depuis 2010 une nouvelle génération de cartes arrive : très courtes, à forte rotation et modifiées quasiment intégralement tous les jours avec un respect des saisons. Ces cartes sont la plupart du temps imprimées le matin sur une feuille 21 x 29,7 toute simple. C'est le grand retour du contact avec le client, pour lui expliquer les quelques références journalières et c'est surtout la rapidité de choix et l'envie de revenir.
Les cartes sont donc plus courtes qu'il y a une dizaine d'années. Est-ce plus efficace ?
Les cartes plus en plus courtes font le bonheur du consommateur qui aime le changement, qui est rassuré car pour lui la rotation c'est la fraicheur et du fait maison. Le juste équilibre est extrêmement compliqué à trouver. Une carte trop courte donne au client un sentiment de manque de choix. Une carte trop longue provoque chez lui une crainte sur la fraîcheur de l'ensemble des produits proposés. Le nombre de références n'est vraisemblablement pas le véritable fond du problème, qui se situe plutôt dans l'image envoyée, de spécialiste ou généraliste, et le crédit que l'on donne à cette image au travers des produits que l'on propose et de quelle façon on les propose.
Les chaînes de restaurants utilisent souvent des visuels pour illustrer leurs cartes. Est-ce à conseiller à tous avec les bonnes performances des imprimantes couleurs d'aujourd'hui ?
Effectivement, les visuels sont de plus en plus utilisés, principalement par les chaînes. Ils doivent être d'excellente qualité pour donner envie, ce qui n'est pas toujours le cas. D'autre part, le visuel est une promesse au client qui n'est pas toujours tenue dans l'assiette. Les moyens informatiques actuels permettent de réaliser de très belles cartes, mais attention, une carte ne doit pas être que belle ! Enfin, la véritable suggestion au client qui peut le pousser à l'acte d'achat est, et restera toujours, l'appellation et surtout le contact avec celui ou celle qui prend la commande. Donner envie en conseillant de manière pertinente est véritablement le meilleur outil de vente.
Est-ce qu'il y a une multiplication des formules au sein des cartes ?
Oui, on note depuis quelques années une multiplication des formules sur les cartes de restaurant. L'objectif des restaurateurs est souvent d'attirer les clients avec des offres basses en prix. L'objectif est évidemment intéressant, et une formule bien travaillée restera toujours une formule d'appel. Cependant, il ne faut pas tomber dans la formule incohérente par rapport à la tarification de la carte ou dans la formule incompréhensible ou pleine de suppléments. Les consommateurs sont de plus en plus méfiants des formules extraordinaires offrant tout pour rien, car ils les ont testé et se sont vite rendu compte que ce n'était effectivement pas cher, mais qu'il n'y avait aussi plus rien dans l'assiette. Cela dit on peut maintenant innover dans la formulation des menus. Nous avons mis en place en 2014 une nouvelle approche qui consiste à établir une liste de références et proposer par exemple aux clients : deux assiettes 30 €, l'assiette supplémentaire 10 €. Le client comprend très vite le système, il se sent libre de structurer son repas comme il le souhaite et surtout il n'est plus obligé de déjeuner ou diner dans l'ordre logique : entrée, plat , desserts, qui rappelons-le ne pèse plus que 13 % des repas pris en France. Pourquoi ? Trop long, trop riche, trop cher.
Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine