La notion de stratégie immobilière est apparue pour la première fois en 2005 dans les rapports financiers du groupe Accor. Entre 2005 et 2010, le groupe indique que 1 012 hôtels ont été vendus dans le monde (soit 202 établissements en moyenne par an) pour un montant de 8 364 M €. En 2011, 129 hôtels ont été vendus, pour un montant de 394 M€. Pour 2012, le chiffre doit être dévoilé le mois prochain. En France, le groupe reste discret sur le nombre d'hôtels cédés. En revanche, il a une idée très précise du nombre d'hôtels destinés à être exploités en franchise : 40 % du développement d'ici à 2016. Une aubaine pour les franchisés qui cherchent à se développer.
Pour un franchisé, le développement ne passe pas systématiquement par le rachat d'hôtels. Certains, ne s'y intéressent pas comme la société Boissée Finances, présidée par Stanislas Rollin. "90 % des hôtels que nous gérons aujourd'hui ont été construits par nos soins, déclare Philippe Chaveroche, directeur général de ce gros franchisé de plus de 60 établissements. La stratégie d'asset light du groupe ne nous concerne pas directement, mais nous restons ouverts à toute proposition intéressante." À l'inverse, d'autres y trouvent une réelle opportunité. C'est le cas du groupe Deret et de sa filiale immobilière Cap 117 : "Nous avons racheté sept hôtels en deux ans, annonce Yves Dussort, le directeur général de Cap 117. Les opportunités qui se sont présentées ont orienté notre stratégie vers de la rénovation." Une situation que semble apprécier également François-Xavier Bourgois, de la société Oletis : "Nous avons bénéficié de la politique d'asset light du groupe." Sur les 26 établissements qu'il possède, la moitié sont en contrat de franchise avec Accor. Enfin, la politique entreprise par le numéro un français de l'hôtellerie a été une occasion pour d'anciens cadres du groupe de se lancer : "Ils sont de plus en plus nombreux à saisir cette opportunité de reconversion, ce qui a permis un éclatement du nombre de franchisés", précise Yves Dussort.
12,5 % des franchisés ont moins de 2 ans d'ancienneté
Cette situation est confirmée par une enquête réalisée en octobre 2012 par la Fédération des franchisés Accor (FFA) : environ un quart des franchisés ont entre 2 et 20 ans d'ancienneté (dont 31 % entre 11 et 20 ans d'ancienneté) et 12,5 %, moins de 2 ans. L'engouement chez les franchisés provient principalement de l'arrivée de fonds d'investissement : "La franchise s'est ouverte vers l'extérieur, estime Patrick Jacquier co-président de la FFA. Elle a permis à une nouvelle génération d'hôteliers d'apparaître, avec un regard nouveau sur les affaires, plus financier et plus gestionnaire. Elle a également ouvert la porte à des financiers qui considèrent davantage l'hôtellerie comme du business." L'achat récent du Novotel Nancy par le groupe Turenne Capital en constitue un parfait exemple. Cette situation est assez diversement accueillie par les franchisés. Pour François Xavier Bourgois, "la conservation par les franchiseurs d'hôtels de filiales est indispensable. Elle leur permet d'avoir une approche plus opérationnelle et plus réaliste du marché de l'hôtellerie."
L'augmentation du nombre de franchisés a en effet modifié la donne. La multiplication des offres mises sur le marché a parfois créé des frictions. "Il a fallu fixer un code de déontologie en cas de cession d'actifs, car il est arrivé que plusieurs candidats d'une même place soient sur le même hôtel", explique Pascal Donat, président de la société Valotel. La FFA a donc créé une charte de bonne conduite. "In fine, tout se décide au sein d'une commission franchiseur-franchisé, assure Patrick Jacquier, et c'est le franchiseur qui prend la décision finale". Un autre franchisé précise : "On peut également créer des partenariats entre nous et nous mettre à plusieurs pour financer un actif."
Des prix bradés ?
Les prix de vente des hôtels, quand on arrive à les connaître, ne sont pas toujours comparables. En dépit de la multiplication des offres, les bonnes affaires ne sont pas si aisées à trouver. "Accor ne brade pas ses actifs. Ils restent toujours trop chers pour un acheteur", convient Patrick Jacquier. Cependant, "la valorisation des actifs a changé, assure Pascal Donat. Avant, nous étions sur 7 à 8 fois le RBE moins les travaux. Aujourd'hui, nous serions davantage sur 10 à 12 fois le RBE, moins les travaux. Aujourd'hui plus que jamais, la valeur d'un actif hôtelier est déterminée par ses perspectives de cash-flow futures mais également par le coût des rénovations à effectuer sur la même période." Il existe également des éléments difficilement quantifiables comme la valeur de l'emplacement. "L'essentiel, c'est que l'on soit dans un équilibre donnant-donnant, ajoute Patrick Jacquier. Il faut que l'on puisse valoriser nos fonds propres, rentabiliser les emprunts et être toujours capables de prendre des risques." La règle du 1 000e concernant le prix de vente à la chambre, autrefois en vigueur chez Accor, a depuis longtemps fait long feu. D'ailleurs, la vente du Sofitel La Défense à 144 000 € la chambre - murs et fonds - a pu surprendre les acteurs du marché, "surtout si on le compare à la vente du Sol Melia à La Défense, qui représente environ trois fois plus, commente un observateur tenant à rester anonyme, mais c'est un hôtel neuf qui, forcément, ne nécessite aucuns travaux", ce qui n'est pas le cas du Sofitel.
Les banques arbitrent
Dans ce nouveau contexte, les banques jouent les arbitres. L'accès à l'emprunt est plus difficile, ce qui rend plus délicate la rentabilité des investissements. "Actuellement, les investisseurs doivent avancer davantage de fonds propres [de 40 à 50 % du montant de l'investissement, NDLR] et ne pouvant compter sur une baisse significative des taux de capitalisation, ils ne sauraient espérer un retour sur investissement rapide", concède Patrick Sanville, directeur de BNPParibas Real Estate. "Heureusement, les taux d'intérêt restent encoretrès bas", tempère-t-il. En attendant, les 'petits assets' continuent de se vendre, certains offrant des valeurs nettement supérieures à la moyenne. Difficile dans ces conditions de savoir si l'on a fait une bonne affaire ou non. "La seule question qui se pose vraiment à un investisseur est celle là : 'serai-je toujours content d'avoir acheté dans cinq ou dix ans ?'", confie un franchisé. En attendant, même dans un contexte offrant des conditions moins avantageuses, l'asset light continue à faire des heureux. Pour preuve, il y a toujours plus d'offres, malgré la mutation du marché et l'accroissement de la concurrence.
Publié par Évelyne de Bast