Le déménagement du Lafayette Gourmet (Paris, IXe) sur un week-end restera l'un des souvenirs marquants de la carrière de Philippe Thomas, directeur alimentation et restauration du groupe Galeries Lafayette. "Nous avons fermé, côté homme, le 13 septembre à 20 heures pour rouvrir côté maison le 15 à 8 h 30, après sept mois de travaux." À cette date, ce temple gourmand qui occupait jusque-là le premier étage du magasin homme a changé de trottoir et rejoint le Lafayette Maison, ouvert il y a dix ans sur le boulevard Haussmann, afin de créer un écrin de 7 500 m² dédié à l'art du bien vivre à la française, mettant en avant des beaux et bons produits. "C'était une évidence d'associer ces deux univers complémentaires que sont la gastronomie et la maison. Cela permet de créer une offre puissante afin d'attirer plus de trafic et de mieux répondre aux attentes des clients. Nous en avons profité pour actualiser ce concept lancé en 1991", explique Philippe Thomas, ancien de chez Harrods, Fauchon et de la Grande Épicerie. En pénétrant dans ce lieu, réparti sur cinq étages thématiques (l'art de faire son marché, l'art de déguster, l'art de cuisiner, l'art de recevoir et l'art de se ressourcer), on pense évidemment à son homologue anglais, Harrods. Philippe Thomas préfère convoquer les marchés alimentaires du monde entier comme références tels le Borough Market à Londres, le marché San Lorenzo à Florence voire celui des Enfants rouges à Paris.
L'offre gourmet se répartit désormais sur trois étages, soit 3 000 m² : le rez-de-chaussée bas, le rez-de-chaussée et une partie du premier, tandis que le reste est voué à la maison et aux ustensiles de cuisine. "La surface dédiée à l'alimentaire n'a pas changé, mais elle gagne en visibilité et en cohérence en occupant maintenant trois niveaux. Ce qui change vraiment : nous sommes passés de six points de restauration à quatorze et nous doublons le nombre de places assises pour arriver à 300", se réjouit Philippe Thomas. Plus qu'un déménagement, c'est donc un changement complet où la qualité, la mise en scène et le service sont privilégiés avec un mot d'ordre : tout ce qui se vend peut être dégusté sur place.
Un magasin-restaurant
Au programme, 20 000 produits ont été sourcés. Au rez-de-chaussée bas, se concentre le frais et l'épicerie. Chaque étal - le boucher, le charcutier, le fromager, la poissonnerie et le maraîcher - mixe vente à emporter et restauration sur place avec, chacun, un comptoir de dégustation de 25 à 30 places assises. Les employés travaillent sous les yeux des clients, tel un show, et en toute transparence : jus de fruits frais pressé minute, plateau d'huîtres en direct du banc de l'écailler, assiette de charcuterie tranchée au dernier moment… La bonne idée : une sélection d'ustensiles culinaires astucieux liés à chaque spécialité est proposée sur les stands.
Le rez-de-chaussée est dédié à l'art de déguster : un vrai food hall attend les clients. Les différents comptoirs mettent en scène les grands talents de la cuisine d'aujourd'hui que ce soit en pâtisserie, boulangerie, chocolaterie ou restauration - française et internationale. Parmi les partenaires historiques du grand magasin, on retrouve Mavrommatis, Petrossian, Dalloyau ou Pierre Hermé. Et parmi les nouveautés : Alain Ducasse et sa chocolaterie, Benoît Castel et sa boulangerie (Liberté), Christophe Adam et ses éclairs (Éclair de Génie), Sadaharu Aoki et ses chocolats, Pedone et ses glaces, ainsi qu'un Pret A Manger de 100 m². "Cet étage est un lieu ouvert, où l'on montre au maximum la fabrication devant les clients", insiste Philippe Thomas. Derrière la verrière de la boulangerie Liberté, les pains sont pétris et cuits sur place, tout comme les cookies de chez Laura Todd, mais les clients peuvent également suivre la réalisation des pizzas ou des glaces. Pour se restaurer sur place, le choix ne manque pas : grec, japonais, espagnol, café… Les points de restauration servent en continu toute la journée et, comme le reste du magasin, sont ouverts jusqu'à 21 h 30.
"Nous avons imaginé une offre cohérente et percutante en mixant partenaires historiques et grands noms de la gastronomie, des valeurs sûres anciennes et d'autres émergentes, explique Philippe Thomas. L'idée est de valoriser la marque tout en créant un concept sous le chapiteau Lafayette Gourmet."
La plus belle cave de bordeaux du monde
Enfin, occupant une partie du premier niveau, la cave dévoile son trésor : 3 000 références et 20 000 bouteilles sur 450 m². La Bordeauxthèque, ni plus ni moins que la plus belle cave de vins de Bordeaux au monde, reconstruite à l'identique, a également traversé la rue. Une sélection de la cave est proposée aux comptoirs boucherie, produits de la mer et fromagerie.
Le culinaire s'est également introduit au deuxième étage, dédié à 'l'art de recevoir', avec l'École de cuisine Alain Ducasse. Celle-ci dispense des cours axés sur des thématiques simples et dans l'air du temps (légumes, brunch, cuisine de bistrot, macaron, pâte à chou…).
"Pour mettre en place ce nouvel espace, nous avons travaillé sur trois axes : offrir des spécialités alimentaires du meilleur niveau, proposer des grands noms de la gastronomie et développer une offre de restauration large associant vente à emporter et restauration sur place", tout en gardant bien à l'esprit de rendre le beau et le bon accessibles au plus grand nombre, résume Philippe Thomas. Résultat : on peut déjeuner pour 15 € à 60 €.
La combinaison gourmet-maison semble fonctionner : "Nous avons multiplié par deux le trafic sur le bâtiment. Cela permet de retrouver une dynamique qui profite à l'ensemble. Un mois après l'ouverture, un samedi, nous avons servi 1 100 couverts et enregistré 45 000 transactions sur le magasin. Rien qu'au stand de l'Éclair de Génie, 1 900 éclairs ont été vendus en une journée. Un résultat satisfaisant par rapport au pari fait."
Publié par Julie GERBET
