La loupe de la proximité
Martine, sa compagne, a eu quelques réticences au début. Et puis elle est devenue sa plus fervente supportrice. La nouvelle ligne culinaire du chef lui impose de n'utiliser que des produits issus d'un rayon de 50 km. Une exigence appliquée avec rigueur. "Se limiter à la proximité, c'est comme prendre une loupe et découvrir ce qu'il y a comme richesses insoupçonnées à côté de chez soi", confie Laurent Petit.
Sa cuisine, lacustre et végétale, met en valeur les fournisseurs locaux. À la carte, le nom des produits, simplement. Le chef montre avec fierté son jardin d'aromates - qui contient 40 essences dont cinq poivriers du Sichuan. "À ma carte, je n'ai ni homard, ni langoustine, ni foie gras, mais les trois lacs qui m'entourent m'offrent quotidiennement féra, brochet, perche, boya, omble chevalier, truite, écrevisse et autre chevesne." Pour être cohérent jusqu'au bout, ce fils de boucher n'utilise pas de viande car il n'y a pas de race à viande en Savoie. "Je crois profondément que c'est l'imagination d'un chef qui rend un produit noble, et non pas sa rareté ou son prestige." En salle, les clients vont de surprise en surprise, découvrant dès l'apéritif la complexité et la longueur en bouche de la tartelette de caviar de féra, son interprétation de la friture du lac. L'arête séchée est condimentée aux aromates du jardin, le filet est cuit au sel "comme un anchois" avec ses écailles soufflées. Suivent les corbicules, les moules zébrées, les écrevisses du lac d'Annecy, juste pêchées de la nuit, simplement cuites avec leur bouillon au thé et leur crémeux de tête, dont les clients raffolent.
Le Clos des sens est aussi un hôtel 5 étoiles, devenu membre des Relais & Châteaux depuis cette année. Il n'y a pas de hasard. La course est lancée pour la troisième étoile. "On ne sait jamais si l'on atteindra ce but. Mais ce qui est génial, c'est d'aller au bout de son rêve. Et ce rêve, je le vis enfin."
Publié par Fleur Tari