La société La Taverne exploite un restaurant à Paris depuis 1990. M. Paul a été engagé en qualité de cuisinier en 1992, par contrat écrit à durée indéterminée pour une rémunération brute mensuelle de 2 500 €.
En septembre 2011, en raison de difficultés financières, le gérant du restaurant, M. Le Coq, a décidé de changer la carte et de cuisiner à base de produits essentiellement frais afin d'améliorer sa compétitivité.
M. Paul, alors âgé de 58 ans, a alors fait part de son désaccord quant à cette nouvelle stratégie, refusant de ne faire que du frais car cela lui demandait plus de travail. Après en avoir discuté avec M. Paul et soucieux d'éviter une procédure devant le conseil de prud'hommes, M. Le Coq a proposé une rupture conventionnelle du contrat de travail à son employé.
M. Paul a ensuite été placé en arrêt maladie en début décembre 2011 et devait reprendre ses fonctions le 5 janvier 2012. Pendant cette période, M. Paul a adressé un courrier à son employeur lui reprochant de l'avoir harcelé moralement en septembre 2011 et a expliqué qu'il refusait la rupture conventionnelle qu'il lui avait proposée. Il a également adressé une copie de ce courrier à l'inspecteur du travail qui a immédiatement écrit à M. Le Coq pour lui rappeler que la rupture conventionnelle n'était pas faite pour éluder les règles du licenciement.
Malgré ces courriers, une rupture conventionnelle a été signée le 30 janvier 2012 et M. Paul a accepté de quitter l'entreprise moyennant une indemnité d'un montant égal à son indemnité de licenciement.
Le salarié assigne son employeur devant le conseil des prud'hommes
Le restaurant La Taverne a toutefois reçu une convocation devant le conseil de prud'hommes en mars 2012. M. Paul prétendait avoir été contraint de signer ladite rupture conventionnelle et avait saisi ce dernier afin de voir qualifiée la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Devant les prud'hommes, M. Le Coq a fait part de son incompréhension, arguant qu'il s'était mis d'accord avec son ancien employé sur les termes de cette rupture.
Le conseil a toutefois fait droit aux demandes de M. Paul et a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle, condamnant le restaurant la Taverne à payer 20 000 € à son ancien cuisinier pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le restaurant a immédiatement fait appel de cette décision.
Quelles sont les erreurs commises par le restaurant conduisant à sa condamnation ?
La rupture conventionnelle est un accord amiable entre l'employeur et le salarié sur la rupture du contrat de travail. Elle n'a en effet pas pour finalité de résoudre un conflit entre l'employeur et le salarié qui peut toujours saisir le conseil de prud'hommes.
Elle est donc naturellement exclue dès lors qu'il peut y avoir un doute sur le consentement du salarié, ce qui est le cas lorsque le contexte est conflictuel ou que le salarié bénéfice de protections légales (femme enceinte, salarié en arrêt suite à un accident de travail, etc.).
Ainsi, une convention de rupture conclue avec une salariée qui, au moment de la signature se trouvait dans une situation de violence morale, du fait d'un harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en résultaient, constitue un vice du consentement entraînant la nullité de la convention. (Cass.soc. 30 janvier 2013 n° 11-22.332 FS-PBR.)
Elle est également exclue lorsqu'une procédure de licenciement a déjà été entamée à l'égard du salarié (CA Riom, 4e ch. civ. 18 janvier 2011, n°10/00658). Dans l'ensemble de ces cas, l'employeur s'expose à une requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, compte tenu du comportement du salarié et notamment de son courrier à l'inspection du travail, le restaurant n'aurait pas dû, compte tenu du contentieux existant entre les parties, recourir à une rupture conventionnelle. Si la société souhaitait mettre fin à la relation de travail avec M. Paul, elle aurait pu opter pour un licenciement éventuellement suivi de la signature d'une transaction, qui a l'avantage de prémunir l'employeur contre d'éventuelles condamnations judiciaires. Cependant, s'agissant d'un montage complexe, il est conseillé à l'employeur de recourir à un avocat.
Publié par Juliette Pappo (avocate au barreau de Paris)
mercredi 13 mars 2013