“On en parle beaucoup mais la livraison pèse 2,5 % du marché global de la restauration en France, ce qui n’est rien comparativement au 25 % des États-Unis, et ce en dépit d’une hausse de 40 % liée à la crise sanitaire. C’est trop conjoncturel”, envisage Bernard Boutboul du cabinet Gira. La donne devrait changer dans cinq à sept ans, lorsque la génération Z sera au cœur de l’économie.” Pour Louiza Hacene, de la start-up Malou, “les habitudes liées à la livraison sont bien ancrées même si les Français ont toujours du mal à payer un service.” “La restauration déportée est un nouveau canal durable, mondial et plein d’agilité”, analyse Anne-Claire Paré, du cabinet de tendances Bento.
Les conditions de travail des livreurs, à 95 % masculins, tendent à indigner les clients. “La livraison à vélo contourne d’abord l’obligation de détenir une licence de transport, alors qu’en réalité 80 % des coursiers des grands agrégateurs livrent en scooter”, regrette Philippe Tellini, du transporteur Top Chrono, qui a participé lors du premier confinement à l’opération Chefs avec les soignants, avec la start-up Tiptoque. “On veut que les livreurs soient aussi bien traités que les serveurs”, demande Marie Giordano, de Tiptoque, un collectif de 80 grands cuisiniers qui livrent à proximité de leur restaurant. Comme Top Chrono, Welbex, un autre transporteur partenaire de la start-up, emploie uniquement des salariés. “Huit chauffeurs qui livrent de 1 à 1 000 repas comme pour Dior au Château de Versailles en mars, car les grandes réceptions n’ont jamais cessé”, confie le gérant, Eric Lamoral. “Le sort des livreurs préoccupe d’avantage les clients qui adapteront leur commande en fonction de leur traitement”, ajoute Louiza Hacene.
“Une offre marketing outrancière”
“Nous expérimentons avec un restaurateur parisien un format de livraison de plusieurs repas sous forme d’abonnement, un concept qui marche très bien aux États-Unis, dit-on chez Malou. “La sophistication de l’offre livrable est flagrante dans un contexte ultra-concurrentiel. En Angleterre, on parle même de bulle comme avec les food trucks. Il y aurait déjà 700 Dark Kicthens en France ! Il en résulte une offre marketing presque outrancière”, reprend Anne-Claire Paré, qui souligne que “les kits à reconstituer sont une vraie tendance qui permettrait de toucher un public plus éloigné, par la Poste, par exemple.”
Du côté emballage, un enjeu devenu majeur pour la livraison, on proposait déjà des emballages en papier, pliés et biodégradables chez Tiptoque. La start-up lance désormais les plats livrés en cocotte consignée. “Nous livrons en réduisant les distances. Nos partenaires chefs ne plébiscitent pas forcement le vélo, qu’ils redoutent instable”, complète Marie Giordano. “Nous avons des vélos-cargo électriques mais lorsque nous livrons un repas de 350 € en provenance de Ledoyen, le restaurateur apprécie un utilitaire électrique où les colis ne seront pas empilés”, confirme Top Chrono.
La province, exclue de la livraison ?
Les afficionados du sachet tendu à leur porte sont plutôt issus de la jeune génération, mais la fracture est aussi géographique. “Les agrégateurs s’intéressent aux zones densifiées pour réduire le transport”, confirme Louiza Hacene, pour qui l’idée d’une France d’en bas de la restauration déportée n’est pas galvaudée. “Le succès à Paris des grandes plateformes se compense en région avec les distributeurs automatiques de plats cuisinés, qui connaissent un nouvel essor.” Tiptoque poursuit pourtant son développement en région, à Lyon d’abord, puis dans d’autres villes grâce à son partenariat avec le guide Michelin et une filiale de Top Chrono.
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Publié par Francois PONT