L'indemnité d'éviction : un mauvais calcul

L'indemnité d'éviction est due par le bailleur au preneur d'un local commercial lorsqu'il lui est refusé le renouvellement de son bail alors qu'il remplissait pourtant les conditions pour bénéficier dudit renouvellement. Cette indemnité est considérée comme un profit exceptionnel, et est donc taxée à hauteur de 33 %.

Publié le 01 juillet 2014 à 13:03

Cette indemnité est très importante pour le locataire parce qu'elle est destinée à l'indemniser du préjudice que lui cause le défaut de renouvellement de son bail qui va nécessairement entraîner, soit une perte du fonds de commerce, soit un déplacement de celui-ci, outre divers préjudices liés à un tel événement.

L'article L. 145-14 du Code de commerce dispose que "L'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et des réinstallations, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre".

Le calcul de l'indemnité d'éviction
L'indemnité d'éviction, sauf accord des parties, sera calculée par un expert judiciaire dans le cadre d'une procédure en fixation de cette indemnité et sera appréciée fonction de l'activité du preneur, de son emplacement, de ses résultats financiers... de telle sorte qu'elle correspondra, très souvent, à la valeur vénale du fonds de commerce à laquelle il est ajouté diverses indemnités.

En effet, dans le cas, par exemple, d'un cafetier installé dans une ville de taille moyenne, mais à un emplacement commercial de premier ordre, tel qu'en face de la gare ou de la mairie, si le bailleur lui refuse le renouvellement de son bail, il ne lui sera alors sans doute pas possible de se réinstaller à proximité, donc il perdra l'intégralité de sa clientèle attachée à son emplacement et son fonds de commerce disparaîtra.

L'indemnité d'éviction sera alors calculée à partir de la valeur vénale du fonds de commerce à laquelle s'ajouteront des indemnités liées au déménagement, au rachat éventuel d'une nouvelle affaire si la réinstallation est entreprise, au trouble commercial, aux travaux et agencements non amortis, au double loyer... de sorte que les conséquences du refus de renouvellement seront réparées.

Le montant de l'indemnité d'éviction sera d'autant plus de nature à compenser le préjudice subi qu'il sera déterminé à la date la plus proche possible de l'éviction : soit, si le locataire n'a pas quitté les lieux, lorsque le juge statuera ; soit, s'il a quitté les lieux, à la date de son départ.

Sauf accord des parties sur le montant de l'indemnité d'éviction, celle-ci est en général fixée dans le cadre d'une procédure judiciaire, après estimation par un expert judiciaire qui applique des règles de calcul particulières (multiple de la recette journalière pour les cafés, pourcentage du chiffre d'affaires pour les restaurants et les hôtels...) d'où, l'importance pour l'exploitant du fonds, locataire évincé, d'être assisté par un conseil tout au long de la procédure en fixation de l'indemnité.

Une fois, l'indemnité d'éviction fixée dans son montant, sauf si le locataire a quitté les lieux ou avisé le bailleur qu'il avait loué ou acheté un local destiné à sa réinstallation, le bailleur dispose encore, en application de l'article L. 145-58 du Code de commerce, de la faculté, "jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, de la possibilité de se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail..."

Le locataire d'un bail commercial qui se maintient dans les lieux le temps de la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction n'est donc jamais certain, jusqu'à un délai de quinze jours postérieur au jugement définitif fixant cette indemnité, de bénéficier du versement de celle-ci, le bailleur pouvant opter finalement pour le renouvellement du bail, après avoir eu connaissance du montant de l'indemnité. Le locataire a donc intérêt à analyser, avec son conseil, la situation juridique et économique de son fonds de commerce afin d'apprécier si son maintien dans les lieux, le temps de la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction, est opportun, comme il convenait pour lui d'apprécier, au cours du bail expiré, la nécessité de demander le renouvellement de son bail ou de donner congé. 

Le préjudice financier
Lorsque le propriétaire du fonds de commerce reçoit cette indemnité d'éviction, elle est considérée comme un profit exceptionnel et sera donc taxée à hauteur de 33 1/3. 

Il n'y a aucune possibilité d'atténuer cette imposition même en cas de réinvestissement.

La seule solution pour un hôtelier qui souhaite réinvestir de ne pas payer cet impôt exceptionnel est de procéder à un apport cession.

Si le propriétaire des murs achète la société propriétaire du fonds de commerce, le vendeur, procédant à un apport-cession, peut réinvestir la totalité des sommes perçues.

Par contre, si le propriétaire des murs verse une indemnité d'éviction par le biais du versement des sommes directement à la société propriétaire du fonds de commerce, le propriétaire du fonds de commerce est spolié de l'équivalent du tiers de la somme perçue.

Il ne peut donc pas se réinstaller dans des conditions équivalentes, il ne peut qu'acheter un établissement nettement plus petit.

Pour que le propriétaire du fonds de commerce puisse racheter un fonds de commerce équivalent, il faut tenir compte de ce préjudice financier de la manière suivante : en cas de cession via un montage de type apport cession, il n'y a pratiquement aucun impôt à payer. D'où le préjudice financier calculé de la manière suivante :

• Pi : montant de l'indemnité d'éviction
• Pf: prix effectif à payer
• Vb : valeur du fonds au bilan

Pf = Pi + (Pf-Vb) / 3
Pf = (3Pi-Vb) / 2

Par exemple, si le fonds de commerce est évalué à 0 au bilan, le prix à payer est supérieur de 50 % au montant de l'indemnité d'éviction. Si ce préjudice financier n'est pas ajouté au montant de l'indemnité d'éviction, l'hôtelier ne peut pas se réinstaller.

Exemple :
• Montant de l'indemnité d'éviction  = 3 050 000 €
• valeur du fonds au bilan (Vb) = 50 000 €
• Plus-value = 3 000 000 à 33 1/3 = 1 000 000 €
Reste net = 2 000 000 €

Pour qu'il puisse toucher 3 050 000 € net, il faut que le prix effectivement réglé soit de : 4 550 000 €.

Faisons le calcul à l'envers : (4 550 000 – 50 000)/3 = 1 500 000
4 550 000 – 1 500 000 = 3 050 000.

 


Publié par Marc Gaillard et Régis Morin, Auteurs du Blog des Experts



Commentaires
Photo
dodo

vendredi 2 mai 2014

Article interessant.
Photo
L'Hôtellerie Restauration

mardi 1 juillet 2014

Bonjour, les explications sur le calcul de l'indemnité d'éviction ont été complétées.

Signaler un contenu illicite

Photo

En cliquant sur publier vous acceptez les [conditions générales d'utilisation]

Voir notre Politique des données personnelles




Vidéos-Podcasts


Newsletter

Ne Ratez plus l'actualité , abonnez-vous à la newsletter quotidienne !


Dernières offres d'emploi

Chef de rang H/F

75 - PARIS 10

Envie de rejoindre un Hôtel 4**** flambant neuf intégrant un groupe hôtelier récent en pleine croissance ? En quête d’un environnement professionnel stimulant où l'esprit d'équipe et le dynamisme rythment le quotidien ? Votre sens du détail et votre convivialité constituent une véritable valeur

Posté le 19 décembre 2024

Second de cuisine (Sous-chef de cuisine) H/F

65 - ST LARY SOULAN

Restaurant La Pergola à Saint Lary Soulan (65) nous recherchons h/f: Second ou Chef de Partie confirmé Poste à pourvoir le 05/01/25 en CDD pour 3 à 6 mois ou CDI (39h réelles et 2 jours Off toute l'année : 2 jours de fermeture). logement individuel tout équipé et de qualité. Faire parvenir CV

Posté le 19 décembre 2024

Responsable de salle H/F

28 - Guainville

Situé à moins d’une heure de Paris, c’est au cœur d’un parc de 40 hectares que le Domaine de Primard vous accueille. Son jardin, dessiné par Jacques Wirtz, abrite plus de 250 variétés de roses et une collection d'arbres rares. Vaches Highland, moutons d'Ouessant et Nez noir du Valais, poules, âne

Posté le 19 décembre 2024