“Aux World Restaurant Awards, il existe même une catégorie du chef non tatoué de l’année”, s’amuse Stéphane Méjanès, auteur du livre “Tailler une plume“ (éditions de l’Epure), dans lequel il croque avec bienveillance ses confrères critiques gastronomiques. “Il ne manque plus que les Gérard de la cuisine dans l’esprit de la cérémonie satirique qui récompense les plus mauvais spectacles et animateurs de la télévision”, envisage avec humour l’ancien journaliste sportif qui, plus sérieusement, doute de la nécessité de toujours tout vouloir classer. “Dans le sport, le classement s’impose par l’ordre d’arrivée. Mais la gastronomie se rapproche du patinage artistique. Il y a un aspect subjectif, un jugement qui peut se révéler arbitraire et puis cela met sous tension les chefs. A contrario, les guides comme le Michelin font un travail nécessaire de référencement”, explique le lauréat 2018 du prix Amunategui-Curnonsky, une distinction qui célèbre le meilleur journaliste gastronomique de l’année.
Pour le chef Clément Leroy, ancien bras de Guy Savoy, installé désormais dans le cœur de Londres, les classements - comme les émissions de télé-réalité - ont un avantage : “Ils font parler de notre métier. Et c’est utile ! ” Un point de vue qui rejoint celui de Gilles Pudlowski, auteur éponyme du guide gastronomique : “Tous les palmarès ont leur angle, leur singularité. Chacun a sa place. C’est un jeu des chaises musicales qui ne dessert pas les cuisiniers. Au fond, ils finissent toujours par apparaître dans un classement ou un autre. Et puis cela crée des retours dans la presse, une agitation, un frisson de nature à entretenir une actualité permanente sur le secteur. Et cela donne envie aux gens d’aller au restaurant”, explique Gilles Pudlowski, qui convient que l’apparition du World’s 50 Best Restaurants a contribué à faire bouger les lignes.
Bientôt un anti-classement
Le problème serait le sérieux de ces palmarès, selon Pierre-Yves Chupin, du guide Lebey : “D’abord il n’y a pas tant de classements sérieux que ça. Ils sont de moins en moins à pouvoir investir du temps et de l’argent dans la visite de restaurants avec une déontologie. Je ne crois pas que les réseaux sociaux et les classements en dehors des guides donnent envie aux restaurateurs d’investir dans la qualité. En effet, face à des votants non identifiés, personne ne sait si l’information a été vérifiée, s’il s’agit d’un règlement de compte entre voisins ou d’une base de données achetée en Inde.”
Alexandre Cammas, fondateur en 2000 du guide Fooding tombé depuis dans l’escarcelle du Michelin, se veut encore plus cinglant : “Le chauvinisme comme l’absence d’éthique corrompent toutes les tentatives existantes. Quant aux classements absolutistes - le meilleur resto du monde, quelle blague ! -, par nature, nous nous y sommes toujours opposés. Le plaisir est une affaire personnelle, subjective, ce n’est pas une donnée mathématique ou un sport dont on peut mesurer la performance via un chrono ou un score. D’ailleurs, si c'était le cas, c’est l’algorithme de Tripadvisor qui serait le nouveau champion du goût. Raison pour laquelle, nous nous apprêtons à lancer une sorte d’anti-classement international dans les mois qui viennent.”
Et alors que Côme de Chérisey, ancien directeur de la rédaction de Gault&Millau, s’inquiète de la domination de Google et des geants du Web dans la prise de décision pour choisir un restaurant, il regrette que ce soient toujours les mêmes adresses prestigieuses que l’on retrouve dans les palmarès : “Seulement 35 000 personnes fréquentent les 50 meilleurs restaurants. À un moment où les classements prolifèrent en moulinant toujours ce même top 50, qui se préoccupe des millions de personnes qui mangent dans les 100 000 restaurants qui suivent ?”
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Publié par Francois PONT