Il
avait des prédispositions. Avec des grands-parents agriculteurs dans la Sarthe,
un père boucher et une mère "bonne
cuisinière", Julien Roucheteau
a grandi entre "les légumes du
jardin" et "les odeurs de
bouillon de poule, dans une cuisine familiale où il ne faisait pas loin de 50 °C, été comme hiver." Très bon en maths jusqu'en classe de seconde, il
aurait pu intégrer une première S. "Mais
je m'ennuyais au lycée", confie-t-il. À 16 ans, il postule
pour entrer à Ferrandi (Paris, VIe). Il est pris dans une formation CAP-BEP en un an, qu'il fait
en alternance à la Maison de l'Aubrac. "En arrivant dans cet établissement, qui faisait 300 couverts le jour et
250 la nuit, je ne savais même pas préparer une carotte râpée", se
souvient Julien Roucheteau. Il va y apprendre "les gestes, la rapidité et beaucoup de la vie professionnelle",
avant de sortir premier de sa formation à Ferrandi.
La suite ? Un bac pro
et un passage dans les cuisines de la présidence du Sénat, aux côtés du chef
MOF Jean-Jacques
Mathou. C'était à l'orée des années 2000 et la brigade comptait
alors trois futurs MOF et un futur Bocuse d'or : "Apprendre dans un tel contexte, c'était une
chance." En septembre 2000, il rejoint Philippe
Legendre au George V, qui décroche trois étoiles Michelin trois ans plus
tard. Puis, en 2004, Julien Roucheteau arrive à la Table du Lancaster, sous la
houlette de Michel Troisgros : à
ses côtés, il obtient une étoile et apprend
"la remise en question tous les jours". En 2005, il poursuit son
parcours aux Magnolias de Jean Chauvel.
En 2006, il intègre la brigade du Diapason, le restaurant du Terrass'Hôtel à
Paris, où il accède à son premier poste de chef. Puis retour au Lancaster en
2008, où après le départ de Michel Troisgros en 2013, il décroche une deuxième étoile
en 2015.
Ne jamais regarder sa montre
En septembre dernier,
Julien Roucheteau a succédé à Pierre
Rigothier aux fourneaux de La Scène Thélème, restaurant parisien auréolé
d'une étoile et pourvu d'une scène de théâtre investie par des comédiens du
mercredi au samedi soir. Un défi. Un pari aussi : celui d'aller chercher
une deuxième étoile Michelin. Pour cela, le finaliste au concours du MOF 2015, qui
retentera sa chance en avril 2018, ne regarde jamais sa montre, pratique
l'autocritique et mise sur la spontanéité, les sensations et l'envie de se
faire plaisir en cuisine. Il évoque aussi le pain "travaillé à l'ancienne" de son fournisseur, L'Étoile du
berger, les légumes d'Annie Bertin et la terre retournée avec du fumier qu'il
préfère à la culture bio "où il
faut rentrer dans des cases". Sa fierté ? "Lorsqu'un client sauce son assiette."