Prisé dès son ouverture par la clientèle anglo-saxonne le Mas Candille, à Mougins (06), a toujours investi dans la recherche de nouvelles clientèles (à 70 % internationale). Anticipant la défection française, elle s'est concentrée sur l'Europe centrale et du Nord (Suisse, Allemagne, Benelux, Scandinavie), avant de s'ouvrir avec succès aux pays de l'Est. "Comme nous sommes partis de zéro, nous n'avons pas été impactés par la crise, explique Giuseppe Cosmai, directeur d'exploitation de l'établissement depuis 2011. Le taux de fréquentation de la clientèle d'Europe de l'Est a plus que doublé pour s'établir à 10 % aujourd'hui. On va donc continuer dans ce sens tout en développant et confortant nos autres positions. Dans la conjoncture actuelle, l'heure est au maintien du chiffre d'affaires."
Qui dit clientèle étrangère, dit habitudes et consommation différentes... Un client en provenance d'Angleterre, de Russie ou d'Azerbaïdjan n'a ni les mêmes goûts, ni les mêmes attentes qu'un client français en matière de gastronomie et de service. "C'est un autre défi. Il faut savoir s'adapter. J'ai la chance d'avoir dans mes équipes beaucoup de personnes qui ont voyagé. J'embauche aussi des personnes étrangères habituées à servir ce nouveau type de clientèle, j'accueille des stagiaires de tous pays." Pour enrichir les compétences, les formations vont bon train. "Mon objectif a toujours été de former 80 % de mon staff mais avec le plafonnement du budget formation du Fafih suite à des excès, je vais devoir réviser ce taux à la baisse et c'est dommage."
L'évolution en interne, un leitmotiv
Quand, pour certains, le turn-over est une calamité, Giuseppe Cosmai y voit, lui, des avantages. "Il faut que les gens aillent voir ailleurs. Le client a évolué, il sait que ça tourne. Cette année, j'ai changé 70 % de l'équipe, j'arrivais à la fin d'un cycle et c'est normal. En revanche, il est indispensable d'avoir des piliers fidèles, garants du style et de la stabilité de la maison et désireux de transmettre leur savoir-faire. L'évolution en interne, leitmotiv de la maison, est l'une des clefs de leur fidélisation. Avant de recruter, on regarde d'abord si on ne peut pas faire évoluer des gens ; cela permet aussi aux jeunes de voir que chez nous, on peut entrer par une porte et sortir par une autre. Même chose pour les stagiaires, sur lesquels on investit beaucoup, avec au final, 50 % d'embauche."
"Le client a changé, les méthodes de réservation aussi"
L'heure est-elle aux réseaux sociaux ? L'hôtelier n'en est pas convaincu. "Avant, j'aurais dit : 'C'est l'avenir.' Aujourd'hui, je ne pense pas que les gens iront réserver via ces canaux." Ce qu'il pense des agences de voyages en ligne ? "Je tire mon chapeau à ceux qui ne les utilisent pas, mais pour moi, on ne peut pas s'en passer. Le client Booking continuera toujours à réserver via Booking. Je préfère me battre avec mes propres armes et récupérer ce client quand il est chez moi, avec une offre privilégiée pour sa prochaine réservation en direct. Le client a changé, les méthodes de réservation aussi, il faut s'adapter." Même constat envers Tripadvisor : "Ce site reçoit des millions de visites par jour, il faut l'utiliser à des fins commerciales. Quand le taux de satisfaction des Relais & Châteaux affiché est de 85 %, autant s'en servir comme un argument marketing plutôt que de s'en offusquer."
Tourné vers l'avenir, résolument positif, confiant dans les nouvelles générations, Giuseppe Cosmai s'investit pour former les acteurs de demain. "Je donne des cours depuis trois ans au lycée Paul Augier de Nice pour la licence arts et métiers de l'hôtellerie de luxe. Ce sont des gens très intéressants et intéressés, des vrais talents. Le seul point négatif, c'est qu'ils veulent tous aller à l'étranger, attirés par des techniques plus pointues, plus actuelles que ce qui se fait en France, par les salaires et surtout par les perspectives d'évolution très rapide, surtout en Chine. En France, tout est verrouillé, on ne croit pas aux jeunes alors qu'ils apportent fraîcheur et ouverture. Chez nous, ils sont les bienvenus."
Publié par Anne SALLÉ
mercredi 5 novembre 2014