Gérer l'inaptitude du salarié : reclasser avant de licencier

Lorsque l'un de vos employés est déclaré inapte à son poste de travail suite à une maladie ou à un accident, professionnel ou non, il est important de savoir comment réagir.

Publié le 27 novembre 2012 à 12:50

Dès que vous avez connaissance de l'avis d'inaptitude de votre salarié prononcé à l'issue de deux visites médicales espacées de 15 jours, sauf danger immédiat, vous devez prendre l'initiative de rechercher un poste de reclassement conforme aux recommandations du médecin du travail.

Étendue de l'obligation de reclassement 

Vous êtes tenu à une obligation de reclassement dans tous les cas d'inaptitude du salarié : qu'elle soit temporaire ou définitive, totale ou partielle, consécutive à une maladie professionnelle ou non. Que cette inaptitude résulte d'un accident du travail ou non ou qu'elle soit prononcée à l'issue d'une visite de reprise ou de contrôle.

Un avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne vous dispense pas de rechercher un reclassement dans l'entreprise. En effet, vous êtes tenu à une obligation de reclassement quelles que soient les circonstances. La jurisprudence a ainsi décidé que l'employeur ne peut se soustraire à cette obligation en précisant au salarié qu'il lui maintiendrait son salaire jusqu'à sa retraite afin d'éviter un reclassement et/ou un licenciement (Cass. Soc. 3 mai 2006, n° 04-40721)

De même, l'employeur est contraint de procéder au reclassement même si le salarié ne manifeste pas le désir de reprendre le travail (Cass. Soc. 10 mai 2005, n° 03-43134) ou affirme son impossibilité de travailler à l'avenir dans l'entreprise (Cass. soc. 10 mars 2004, n° 03-42744) ou encore a été classé en invalidité 2e catégorie par la Sécurité sociale (Cass. Soc. 9 juillet 2008, n° 07-41318)

Il est rappelé que c'est à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à ses obligations de reclassement. Il est donc très important que vous conserviez les preuves des recherches réalisées en cas de litige.

Procédure de reclassement 

Afin d'envisager le reclassement du salarié, vous devez prendre en considération les conclusions écrites du médecin du travail lorsqu'il y en a, ainsi que ses indications sur l'aptitude du salarié à occuper l'un des postes existants dans l'entreprise. Seules les recherches de reclassement compatibles avec les préconisations du médecin du travail seront prises en compte pour apprécier le respect de votre obligation de reclassement.

Si l'avis d'inaptitude ne mentionne aucune proposition de reclassement, et sauf à ce qu'il précise que le salarié est inapte à tout poste dans l'entreprise, vous devez solliciter le médecin du travail afin d'obtenir toutes les précisions utiles quant aux conditions de travail permettant le reclassement.

À défaut, si vous licenciez le salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 24 avril 2001, n° 97-44413).

L'inaptitude pour maladie professionnelle

Lorsque le salarié est déclaré inapte à la suite d'une maladie ou d'un accident professionnels, vous devez impérativement consulter les délégués du personnel afin d'obtenir leur avis sur le reclassement du salarié. Leur avis doit également être recueilli si vous invoquez l'impossibilité de reclassement. Les délégués du personnel doivent alors impérativement être consultés avant que la procédure de licenciement soit engagée. À cette fin, vous devez au préalable leur fournir toutes les informations nécessaires sur les possibilités de reclassement des salariés, notamment les conclusions et préconisations du médecin du travail.

À défaut, le licenciement est illicite et vous pourrez être condamné à verser au salarié une indemnité qui ne peut pas être inférieure à 12 mois de salaire. Cette sanction s'applique même si votre entreprise est dépourvue de délégués du personnel dès lors que leur mise en place était obligatoire et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi (Cass. 23 septembre 2009, n° 08-41685). La prudence est plus que nécessaire à ce stade de la procédure.

Par ailleurs, la non-consultation des délégués du personnel constitue un délit pénal d'entrave à leurs fonctions.

Quelles sont les propositions de reclassement

Vous êtes tenu de proposer au salarié un poste parmi les emplois disponibles dans votre entreprise qui soit approprié à ses capacités mais aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation du poste de travail ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, vous devez rechercher le reclassement du salarié, dans le cadre de toutes les activités de votre entreprise, mais aussi dans le cadre des différents établissements de votre entreprise, voire du groupe auquel appartient votre entreprise

En outre, vous devez procéder au reclassement du salarié dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'inaptitude. À l'issue de ce délai, si vous n'avez ni reclassé ni licencié le salarié, vous devez reprendre le paiement du salaire, même si le salarié ne travaille pas.

Décision du salarié

Si le salarié accepte l'offre de reclassement, le contrat de travail continue à produire effet et vous devez rédiger un avenant pour prendre en compte les modifications qui lui sont apportées.

Si le salarié refuse l'offre de reclassement, vous devez en tirer les conséquences, soit en formulant de nouvelles propositions, soit en procédant au licenciement de l'intéressé.

Procédure de licenciement 

Vous devez en premier lieu convoquer le salarié à un entretien préalable conformément à la procédure classique de licenciement, sans oublier de respecter un délai de 5 jours ouvrables entre la date de convocation et le jour de l'entretien préalable.

Lorsque le salarié est un représentant du personnel et que son reclassement est impossible ou refusé, vous devez obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail avant de procéder à son licenciement. La saisine de l'inspecteur interrompt le délai d'un mois qui vous est attribué pour prononcer le licenciement mais ne vous dispense en aucun cas de poursuivre le paiement des salaires jusqu'à la date du licenciement autorisé (Cass. soc. 16 novembre 2005, n° 03-47395).

Notification du licenciement 

Sous peine de prendre le risque de voir le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, vous devez mentionner dans la lettre de licenciement l'inaptitude du salarié et détailler l'impossibilité de trouver un poste de reclassement dans votre entreprise, ou, le cas échéant, dans le groupe auquel appartient votre entreprise (absence de poste compatible avec l'état de santé du salarié, refus par le salarié du poste de reclassement proposé, impossibilité d'une mutation, d'une transformation de poste, d'un aménagement du temps de travail…).

Si à l'issue du délai d'un mois à compter de l'avis d'inaptitude, vous n'avez ni reclassé ni licencié le salarié, vous devez reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

L'indemnisation de la rupture 

En cas d'inaptitude d'origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle), vous devez verser au salarié une indemnité égale au montant de l'indemnité légale de préavis, même si le salarié ne peut exécuter son préavis. Vous devez en outre verser au salarié une indemnité de licenciement qui, sauf disposition conventionnelle plus favorable, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement, sans condition d'ancienneté. Cependant, vous n'êtes pas redevable de cette indemnité si vous établissez que le refus par le salarié du reclassement que vous lui avez proposé est abusif.

En cas d'inaptitude d'origine non professionnelle, vous ne devez verser aucune indemnité de préavis au salarié à condition cependant que vous ayez satisfait à votre obligation de reclassement. S'il était démontré que vous avez manqué à votre obligation de reclassement, vous seriez contraint de verser une indemnité compensatrice de préavis au salarié.

Si votre salarié compte un an d'ancienneté d'entreprise à la date de la notification du licenciement, il bénéficie aussi d'une indemnité de licenciement qui est au moins égale à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté.


Publié par Juliette Pappo (avocat au barreau de Paris)



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