L’Hôtellerie-Restauration : Pourriez-vous nous parler de l’ouverture de votre restaurant ?
Geoffrey Lengagne : L’ouverture de Brion a été une réelle expérience. Le premier enseignement que j’en tire, c’est qu’il ne faut pas se dire qu’on va rénover entièrement un lieu avec un budget serré. C’est irréaliste. Il est crucial d’avoir une marge de manœuvre financière. Il faut aussi s’entourer de personnes compétentes, car la gestion d’un restaurant implique de nombreux aspects à maîtriser. De plus, le contexte économique est très différent de celui des années 2018-2019. Ce n’est pas une période facile. Il faut être capable de faire des ajustements très vite. Enfin, j’ai découvert une autre difficulté : celle d’ouvrir sans être connu, ni du public, ni dans le milieu parisien.
Comment décririez-vous votre cuisine ?
L’important, c’est de cuisiner librement, sans se mettre dans une case. C’est aussi de se faire plaisir, de satisfaire les équipes et les clients. Je cuisine des produits qui me plaisent, notamment ceux de la mer. Je les trouve intéressants gustativement parlant et cela a du sens à l’époque actuelle. Il faut bien sûr être vigilant sur le prix des produits, et ça demande de la rigueur dans la gestion des stocks et donc des achats. Plus généralement, ma cuisine est un mélange de mes expériences passées. J’aime travailler les produits bruts, et même si c’est ma première installation, j’ai trouvé assez rapidement de très bons producteurs. J’essaie d’avoir ma propre identité dans ce que je propose, j’évolue chaque semaine.
Quels éléments de votre cuisine vous représentent le mieux ?
Je n’ai pas de techniques ou de plats signature. Je préfère penser que le meilleur plat reste à venir, une philosophie que je tiens du chef Yannick Alléno. Ma cuisine est marquée par une forte influence anglo-saxonne, avec beaucoup d’épices. Je privilégie les cuissons qui mettent en valeur les saveurs grillées et épicées. J’utilise beaucoup de currys de diverses origines comme le curry thaï ou indien et des piments.
Pourquoi avez-vous choisi de devenir cuisinier ?
La cuisine m’a offert une échappatoire. Je m’embêtais à l’école et j’avais besoin de partir de chez moi. J’y ai trouvé le cadre et le changement de vie qu’il me fallait. Quand j’ai découvert la cuisine, j’ai eu l’impression que c’était presque l’armée, je me suis dit que c’était ça qu’il me fallait et on m’a très vite traité comme un adulte. Je suis arrivé en cuisine par hasard, j’aurais aussi bien pu être maçon.
Votre restaurant est fermé le week-end. Pourquoi ce choix ?
Travailler cinq jours sur sept, du lundi au vendredi, me permet de passer du temps avec mes deux filles pendant le week-end. C’est une décision personnelle qui facilite également le recrutement et la gestion du personnel. Assurer une présence constante en cuisine et maintenir la qualité dans notre proposition impose cette limitation.
Quels chefs vous ont particulièrement influencé ?
Pierre Gagnaire, pour sa vision libre et avant-gardiste de la cuisine, qui ne cherche pas à ressembler à quelqu’un, et Thomas Keller, aux antipodes de Pierre Gagnaire, qui a une approche plus axée sur l’organisation et le business à l’américaine, dans la maîtrise des choses. Tous deux ont été des figures marquantes dans mon parcours. Chacun a influencé ma manière de voir la cuisine et la gestion d’un restaurant.
Avez-vous un aliment favori ?
Le riz est un ingrédient que j’affectionne particulièrement, surtout depuis que j’ai découvert les subtilités de sa préparation aux États-Unis, aux côtés de cuisiniers coréens et japonais. Je l’incorpore souvent à la carte, notamment cuisiné dans du curry vert.
Selon vous, quelles sont les qualités essentielles pour être un bon chef ?
La passion est fondamentale. Il est essentiel d’aimer les gens, de chercher à transmettre ce que l’on aime, et de respecter ceux qui nous entourent.
Publié par Romy CARRERE