En septembre 2014, Françoise Portier intègre le Lycée Hôtelier Jean Drouant en tant que professeur contractuel 'Hébergement Restaurant'. C'est la première fois qu'elle enseigne. C'est aussi pour elle un retour aux sources. Après l'école hôtelière de Bourges, c'est dans ces murs qu'elle obtient son BTS « promotion 1984 - Claude Terrail ». Parmi ses professeurs, Dominique Loiseau. La jeune fille rêve de cuisine mais les fourneaux sont avant tout masculins. Le chemin à parcourir risque d'être long. Qu'importe, son enthousiasme est à la hauteur de sa jeunesse. Elle a seulement 15 ans lorsqu'elle fait son stage en salle, à Saint-Germain-en-Laye, chez Cazaudehore La Forestière. Au bout de deux semaines, l'encadrement lui confie un rang. « A cette période, nous n'avions pas besoin d'être majeurs. Il suffisait de faire ses preuves ». A 16 ans, la voici gouvernante du soir stagiaire au Prince de Galles, à Paris, puis réceptionniste au Sheraton. Les belles maisons l'attirent. A seulement 19 ans, BTS en poche, une voie inattendue s'offre à elle : la comptabilité fournisseurs. Rien à voir avec les fourneaux. « Je ne pensais pas me diriger dans ce créneau, surtout qu'il était lui aussi très masculin. Mais j'ai rencontré des personnes qui m'ont fait confiance, comme Dimitri Christianos diplômé de Lausanne. Grâce à lui, je suis devenue la première femme 'contrôleur des coûts' à Paris. » Après quelques années passées au Méridien Montparnasse, sa carrière se poursuit au Royal Monceau où elle va installer dans la confiance et sur la durée le département achats. Ses mentors ? Jean-Pierre Allais et Michel-André Potier. Avec l'indéfectible conviction de devoir placer ses compétences en amont des processus, elle réalise des économies d'échelle et sans jamais nuire à la qualité, elle est à l'écoute du besoin des chefs, des directions métiers et au service du client final. Le luxe, l'excellence, la qualité tout comme les chiffres et l'optimisation des marges brutes sont son quotidien. Sous sa responsabilité aussi, pas moins de 25stagiaires par an, pour des durées d'une semaine à cinq mois. Sa soif d'apprendre la conduit à reprendre ses études à l'ESSEC dans la spécialité des Achats en même temps qu'elle accompagne les changements du Royal Monceau entre 2008 et 2010. « C'est une expérience inoubliable qui me fait prendre conscience de l'importance des réseaux ! » Elle est diplômée avec la mention TB. Avec Patrice Pourchet pour directeur de mémoire, elle rédige une thèse intitulée : 'Une stratégie d'achats source de création de valeur : Cas des produits de la mer pour l'hôtellerie de luxe'. L'auteur chemine entre le secteur de l'hôtellerie de luxe parisien, les attentes toujours croissantes des chefs étoilés et l'offre de la ressource halieutique qui se raréfie. « Le nouveau client peut-il accepter un changement de son système de valeur ? Quelle sera la nouvelle valeur perçue par le client du luxe ? » s'interroge Françoise Portier. La soutenance, très concrète et audacieuse, vaut d'être lue. En 2012, après avoir réussi « les phases amont et aval des achats de réouverture du palace parisien », changement de cap. Elle laisse derrière elle un portefeuille de 10 M d'euros, la gestion de 300 fournisseurs pour de nouvelles aventures, plusieurs projets en tête. Deux vont se concrétiser. L'enseignement d'abord. « Etre professeur, c'est être à la naissance d'un cursus. Je suis dans un vivier de talents et je dois mener ces jeunes à bon port. » Une vision à la fois optimiste et concrète. Le premier trimestre achevé, l'enseignante constate : « La notion intergénérationnelle est très importante. En ce qui me concerne, j'ai fait le choix de l'utile. Je ne suis pas là pour faire des cours magistraux. Je m'appuie sur le référentiel certes, je fais des contrôles réguliers pour évaluer leur progrès, je donne du temps aux élèves, tout en prenant en compte le travail accompli par les collègues. Les jeunes doivent également comprendre que ce qu'ils font actuellement va leur servir plus tard et qu'ils ne doivent exclure aucune matière. Nous sommes là pour les accompagner dans leur vie d'adulte, les responsabiliser, nous devons montrer l'exemple et leur communiquer l'envie de créer. Et pour cela la profession peut compter sur ses talents car cette génération est formidable!» Message d'avenir, qui s'inspire de l'expérience et du terrain. Elle s'amuse aussi à casser les codes. « J'ai demandé à mes élèves de me noter, histoire de me situer sur leur échelle de valeur et parce que je crois en des possibles qui passent par la nécessité de nous réinventer ! » En 2015, son autre projet se met en place : le lancement de B&R Consulting, une plateforme d'experts séniors multi-compétences, dédiée au luxe des univers de services, l'hôtellerie, la mode, la beauté, la joaillerie, le design et la maroquinerie avec des professionnels du sérail. Point commun entre ses deux activités désormais (l'enseignement et le conseil) : la transmission des savoirs.
Publié par Sylvie SOUBES