Formation continue : paroles d'employeurs

Paris (75) Ils sont passés par la formation continue. Par hasard ou volontairement. Ils ont ensuite changé leur façon de travailler, d'organiser leur entreprise, de communiquer avec leurs salariés. Ils racontent.

Publié le 11 septembre 2013 à 17:30
Daniel Villaume : "Chaque stage est une remise en question"

"En 38 ans de métier, j'ai déjà fait une vingtaine de stages de formation continue." Patron d'une boucherie-charcuterie à Rupt-sur-Moselle (88), Daniel Vuillaume fréquente le Centre de formation des métiers de la gastronomie (Céproc), à Paris, de façon assidue." Et pour cause : "On doit se renouveler sans cesse car la clientèle demande des nouveautés. Elle consomme différemment selon les saisons et l'évolution des modes de vie." En général, le boucher-charcutier opte pour des stages ramassés dans le temps : deux jours maximum. Pour ne pas laisser son commerce et ses 4 salariés trop longtemps seuls. "Chaque stage est une remise en question. Une prise de recul sur son travail, sur son quotidien. On échange, on partage, on confronte ses expériences. Avec les enseignants bien sûr, mais aussi avec les stagiaires. J'apprends beaucoup de mes confrères, surtout lorsqu'ils ne sont pas issus de la même région que la mienne." De retour dans les Vosges, Daniel Vuillaume met en application ce qu'il a appris en formation : "L'effet est immédiat, dit-il. La clientèle s'aperçoit tout de suite des changements, des nouveaux produits mis en place." Une façon de la surprendre et de la fidéliser. Si bien que certains des salariés de la boucherie-charcuterie demandent à partir en formation à leur tour. Daniel Vuillaume a même donné les coordonnées du Céproc à quelques confrères, et néanmoins concurrents de Rupt-sur-Moselle.

 
Laurent Ody : "On est dans le partage"

Sa vie professionnelle a changé grâce à la formation continue. En effet, c'est au Centre de formation des métiers de la gastronomie (Céproc), à Paris, que Laurent Ody, charcutier-traiteur, a rencontré celui qui est ensuite devenu son associé à Dignac (16), tout près d'Angoulême (16) : "Grâce à cette association, aujourd'hui, je travaille dans un laboratoire de 600 m2. On échange beaucoup entre stagiaires, poursuit-il. On est dans le partage et non plus dans le secret professionnel. Il n'y a plus de notion de concurrence entre nous. Notre ouverture d'esprit est beaucoup plus large. On a tous la même envie d'avancer." Un état d'esprit qu'il compare volontiers à celui de l'artisanat : "C'est comme une grande famille", dit-il. À cela, Laurent Ody ajoute : "La richesse c'est d'être en présence de confrères qui viennent de toute la France. C'est l'occasion de comparer nos différentes cultures culinaires." Depuis le début de l'année 2013, il en est déjà à son troisième stage au Céproc. Une dynamique qu'il aimerait bien transmettre à sa dizaine de salariés : "Mais parfois, je me heurte aux obligations familiales des uns, aux réticences des autres." En attendant, c'est dans le TGV qui le ramènera à Angoulême que Laurent Ody dressera la liste des nouveautés qu'il souhaite introduire au plus vite dans sa boutique.

 

Benoît Chavanne : "Il y a un avant et un après la formation continue"

Ancien prof de philo au lycée international de Saint-Germain-en-Laye (78), il a ensuite dirigé le service culturel du Val d'Europe (77). Puis, un matin, Benoît Chavanne a eu envie de faire ce qui lui plaisait vraiment : à savoir, un métier qui mêle apprentissage et accords entre mets et vins. Avant de se lancer, il a voulu se former. "J'ai cherché les formations diplômantes reconnues par l'État". Et son choix s'est porté sur la formation sommelier-conseil, proposée par l'université du vin de Suze la Rousse (26). "C'était intensif. J'ai eu des cours six jours sur sept pendant près de six mois, entrecoupés de deux périodes de stage. Sans oublier la rédaction d'un mémoire et la préparation au concours de sortie. Mais si on veut travailler dans le vin, il faut en passer par là. Car j'ai appris un contenu didactique et une véritable démarche professionnelle, que ce soit dans les laboratoires de dégustation, au contact des vignerons, dans les vignes, ou encore en échangeant avec des sommeliers. Avant cette formation, je n'étais qu'un amateur éclairé. Depuis, je suis un professionnel du vin." Diplômé en 2005, Benoît Chavanne a créé la société Hubris la même année. Celle-ci permet aux gourmets et gourmands de découvrir des sélections de vins, lors de séances de dégustations. Ces rencontres gustatives peuvent avoir lieu dans un hôtel, un château, une cave, des vignes, ainsi que dans l'atelier Hubris, voisin des Buttes Chaumont, à Paris, du jeudi au samedi. Reconversion réussie, donc, pour l'ancien prof : "Aujourd'hui, j'enseigne toujours, mais non plus la philo. Mes séances de dégustations sont l'occasion d'aborder les bases de la vinification, parler des cépages ou encore décoder le vocabulaire du vin."

 

Thierry Méar : "J'étais le plus âgé de la promo"

"Je viens du secteur des transports. Et avant, j'étais dans l'agriculture. La restauration, c'est tout nouveau pour moi." À 49 ans, à l'issue d'un bilan de compétences, Thierry Méar découvre qu'il a envie de se reconvertir dans les métiers de bouche. La cuisine le tente. "J'aime cuisiner depuis tout petit. Par ailleurs, j'ai toujours eu l'idée et l'envie de travailler dans un restaurant." Sans être complexé par son âge, il s'est donc inscrit au lycée des métiers Sainte-Anne de Saint-Nazaire (44) et, à 50 ans, il a démarré un CAP de cuisine, "par le biais du Fongecif". "J'étais le plus âgé de la promo." Peu importe. Thierry Méar a tenu le cap. Il a trouvé ses stages dans un restaurant ouvrier, puis dans une adresse gastronomique, "pour voir les deux ambiances, les deux façons de travailler". Un choix pertinent en vue de s'orienter au mieux une fois son diplôme en poche. "Cette formation m'a beaucoup apporté, poursuit-il. À la fois sur le plan pédagogique et sur le plan humain. Je me suis senti écouté, entouré, encadré, suivi, accompagné." Les clés pour réussir sa reconversion. Car sans confiance en soi, impossible de sauter le pas. Aujourd'hui, fraîchement diplômé, Thierry Méar reconnaît qu'il a "tenu jusqu'au bout", mais qu'à l'issue de sa formation, il s'est senti "physiquement fatigué". Et pour cause : le rythme était éprouvant. Mais la pugnacité du stagiaire a payé : il vient d'être embauché par l'un de ses amis qui a ouvert un restaurant.

 
François Porcheron : "J'ai pris sur mon jour de fermeture"

Certes, la formation qu'il a suivie est obligatoire. "Il s'agit de la formation continue ciblée sur l'hygiène", détaille François Porcheron. Gérant d'une pizzeria à Ancenis (44), il s'y est inscrit un peu à contrecoeur. "J'étais réticent au départ parce que je n'ai pas trop de temps pour cela. J'ai pris sur mon jour de fermeture car je suis seul aux fourneaux." Malgré cela, une fois en formation, François Porcheron n'a pas regretté son déplacement. "J'ai beaucoup appris car en matière d'hygiène, ça évolue énormément. J'ai rapporté des documents. J'ai même acheté un livre sur le sujet." Inciter sa serveuse à suivre cette formation ? "J'y ai pensé. Je lui ai également proposé des cours d'anglais. Mais cela risque d'être problématique d'avoir une personne absente en salle, même durant une seule journée. La conjoncture économique étant difficile, on ne peut pas se permettre autant de souplesse qu'on le voudrait. Surtout quand on est une petite structure. Quand je travaillais pour des tables gastronomiques de palaces, j'allais en formation. Sans aucune difficulté. Depuis que je suis à mon compte, la donne est changée. Même si cette formation m'a été remboursée intégralement, il faut trouver du temps pour s'y rendre. D'ailleurs, nous n'étions pas nombreux dans mon stage : j'étais avec trois directrices d'hôtel et le gérant d'un camping. Or cette formation est obligatoire, sous peine de sanction."

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Publié par Anne EVEILLARD



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