Septembre 2017, Irma, ouragan de catégorie 5, s'abat sur les
Antilles. Florian Mercadier, restaurateur, chef de l'Anse Marcel Beach
Resort, sur l'île de Saint-Martin s'est réfugié avec sa famille dans une
chambre d'hôtel. « Nous étions fermés
depuis trois jours pour les vacances. Tout était rangé. Nous avons
régulièrement des alertes en saison cyclonique et nous essayons toujours de
tout protéger au maximum. Et c'est ce que nous avons fait, mais personne ne s'attendait à une telle
puissance, qui a fait exploser le béton » témoigne ce niçois, installé
depuis dix ans dans ce qui était jusque-là un petit coin de paradis. C'est son père qui a construit l'un des deux
hôtels de la crique et sa mère en était gouvernante générale.
350 couverts/jour en
haute saison
Après un bac techno et un BTS au lycée Paul Augier de Nice,
le jeune cuisinier choisi de se perfectionner à l'étranger : Chicago, l'Italie,
Montréal, la Chine, avant un retour sur la Côte d'Azur, chez Jacques Maximim, et rejoindre ses
parents à Saint-Martin. « Avec mon
frère, nous devions faire une saison et nous sommes restés ». Il y a
cinq ans, le propriétaire du site lui propose la direction du restaurant de la
plage. « Nous étions trois au début
et 28 l'an dernier ». Florian est un adepte des beaux produits, de
l'ultra-frais et le titre de Maître Restaurateur, qu'il obtient, coule de
source. «Ce titre permet aussi de
rassurer les clients sur notre savoir-faire, ils en ont besoin » analyse-t-il. L'établissement monte à 350 couverts le
midi en période haute, il est fermé le soir sauf les jours de fête. Tout ce qui
n'est pas local est livré deux fois par semaine par avion et vient de Rungis.
«Ca arrive aussi frais à Saint-Martin qu'à Nice » sourit-il. Du homard au
turbot, du sanglier au boeuf de Cobée, le chef ne s'interdit aucune recette mais
reste raisonnable sur les marges. « C'est
essentiel pour fidéliser ». Sa cuisine d'inspiration méditerranéenne,
marquée aussi par ses différentes expériences, séduit. « Si j'ai choisi ce métier, ce n'est pas pour ouvrir des sacs mais
pour respecter le produit et le consommateur» ajoute-t-il.
Un territoire dévasté
Dans la nuit du 6 au 7 septembre, l'île est assaillie par des
vents de plus de 280 km heure avec des rafales à 360 km. L'Anse Marcel Beach se
transforme en cauchemar. « Nous avions
choisi d'aller dans l'hôtel parce qu'il était muni de volets anticycloniques.
Avec mon frère, qui avait comme moi un bébé en bas âge, nous communiquions
avec les talkies walkies utilisés entre la cuisine et les plagistes. Vers 3
heures, les baies vitrées ont explosé, les volets cédaient. On s'est blotti avec
femmes et enfants dans une salle de bain. Nous tenions des matelas contre les
portes pour nous protéger. Nous sommes restés confinés comme ça pendant plusieurs
heures, dans un vacarme incessant, sans pouvoir sortir, sans savoir ce qui
allait nous arriver ». Le jeudi matin, le souffle se dissipe. L'ouragan est passé. « Quand on est sorti, c'était un spectacle de désolation qui nous
entourait. Le SPA que nous venions de créer était rayé de la carte, tout comme la cuisine. Les conteneurs ont
volé à plus de 300 mètres. J'ai retrouvé des moteurs de mes frigos à presque un
kilomètre. Il n'y avait plus d'eau, plus d'électricité. Avec tous les habitants
de l'Anse, nous avons creusé un grand trou dans le sol pour brûler tout ce qui
était périmé pour ne pas attirer les rats. Tout le monde s'est mis à nettoyer.
Il y a eu beaucoup d'entraide. Durant les premières nuits qui ont suivi, nous
étions aussi dans la crainte de l'insécurité. Quand l'armée est arrivée, la
mise en place de la logistique a pris quatre à cinq jours. Ce qui était normal,
car ils n'auraient pas pu nous aider sans infrastructure". Rapidement heureusement « nous avons pu remettre en service le générateur et forer de l'eau.
Toute la résidence a pu en profiter. Ca nous a permis également d'avoir un peu
d'électricité et de clim pour les bébés. La nuit, il faisait 35° ».
Retour à Nice
Les femmes et les enfants ont été rapatriés au bout d'une
dizaine de jours. Florian a suivi un mois plus tard. « En arrivant en métropole, nous avons tous eu droit à un 'chek up'
santé. On craignait surtout pour les tympans des bébés, à cause de la pression
du vent. Il nous restait un bien familial près de Nice et nous avons pu nous
installer. Mais nous avons dû tout racheter ». Pendant plusieurs
semaines, les Mercadier sont au point mort, anéantis moralement. « Et puis, un jour, on s'est dit que
des risques, il y en avait partout. Et nous
avons décidé de reconstruire.» Sauf que de nouveaux obstacles sont apparus.
« Nous avons déposé les dossiers et
permis mais nous sommes confrontés à la lenteur de l'Etat. Nos salariés, qui
sont originaires de l'île, sont en pleurs au téléphone. Ils veulent
retrouver du travail et nous, aujourd'hui, nous voulons que Saint-Martin revive. C'est
un petit bijou qu'il ne faut pas abandonner. Mais pour que les efforts ne
soient pas vains, il faut que les choses avancent. Bien sûr, de nouvelles
normes sont nécessaires mais qu'on nous les donne ! Tout le monde là-bas
attend à un retour à l'activité alors que l'administration française freine,
repousse. Elle se donne 5 à 6 mois d'étude alors que nous aurons 8 mois de
travaux. Il est important de pouvoir rouvrir pour les fêtes, sinon, les touristes
vont délaisser Saint-Martin » Florian déplore également, en tant que chef d'entreprise,
le manque d'aides. L'assurance a couvert l'hôtel mais pas le restaurant. Il a
dû faire un licenciement économique pour ses 11 salariés en CDI. Peu d'indemnités
au bout du compte. « L'activité,
côté hollandais, a déjà repris. Pas du côté français. Pourquoi tant d'atermoiement
? » s'interroge-t-il.
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Publié par Sylvie SOUBES