Florian Mercadier, chef et restaurateur, a vécu l'enfer de l'ouragan Irma

Publié le 23 mai 2018 à 17:32

Septembre 2017, Irma, ouragan de catégorie 5, s'abat sur les Antilles. Florian Mercadier, restaurateur, chef de l'Anse Marcel Beach Resort, sur l'île de Saint-Martin s'est réfugié avec sa famille dans une chambre d'hôtel. « Nous étions fermés depuis trois jours pour les vacances. Tout était rangé. Nous avons régulièrement des alertes en saison cyclonique et nous essayons toujours de tout protéger au maximum. Et c'est ce que nous avons fait, mais personne ne s'attendait à une telle puissance, qui a fait exploser le béton » témoigne ce niçois, installé depuis dix ans dans ce qui était jusque-là un petit coin de paradis. C'est son père qui a construit l'un des deux hôtels de la crique et sa mère en était gouvernante générale.

350 couverts/jour en haute saison

Après un bac techno et un BTS au lycée Paul Augier de Nice, le jeune cuisinier choisi de se perfectionner à l'étranger : Chicago, l'Italie, Montréal, la Chine, avant un retour sur la Côte d'Azur, chez Jacques Maximim, et rejoindre ses parents à Saint-Martin. « Avec mon frère, nous devions faire une saison et nous sommes restés ». Il y a cinq ans, le propriétaire du site lui propose la direction du restaurant de la plage. « Nous étions trois au début et 28 l'an dernier ». Florian est un adepte des beaux produits, de l'ultra-frais et le titre de Maître Restaurateur, qu'il obtient, coule de source. «Ce titre permet aussi de rassurer les clients sur notre savoir-faire, ils en ont besoin » analyse-t-il. L'établissement monte à 350 couverts le midi en période haute, il est fermé le soir sauf les jours de fête. Tout ce qui n'est pas local est livré deux fois par semaine par avion et vient de Rungis. «Ca arrive aussi frais à Saint-Martin qu'à Nice » sourit-il. Du homard au turbot, du sanglier au boeuf de Cobée, le chef ne s'interdit aucune recette mais reste raisonnable sur les marges. « C'est essentiel pour fidéliser ». Sa cuisine d'inspiration méditerranéenne, marquée aussi par ses différentes expériences, séduit. « Si j'ai choisi ce métier, ce n'est pas pour ouvrir des sacs mais pour respecter le produit et le consommateur» ajoute-t-il.

Un territoire dévasté

Dans la nuit du 6 au 7 septembre, l'île est assaillie par des vents de plus de 280 km heure avec des rafales à 360 km. L'Anse Marcel Beach se transforme en cauchemar. « Nous avions choisi d'aller dans l'hôtel parce qu'il était muni de volets anticycloniques. Avec mon frère, qui avait comme moi un bébé en bas âge, nous communiquions avec les talkies walkies utilisés entre la cuisine et les plagistes. Vers 3 heures, les baies vitrées ont explosé, les volets cédaient. On s'est blotti avec femmes et enfants dans une salle de bain. Nous tenions des matelas contre les portes pour nous protéger. Nous sommes restés confinés comme ça pendant plusieurs heures, dans un vacarme incessant, sans pouvoir sortir, sans savoir ce qui allait nous arriver ». Le jeudi matin, le souffle se dissipe. L'ouragan est passé. « Quand on est sorti, c'était un spectacle de désolation qui nous entourait. Le SPA que nous venions de créer était rayé de la carte, tout comme la cuisine. Les conteneurs ont volé à plus de 300 mètres. J'ai retrouvé des moteurs de mes frigos à presque un kilomètre. Il n'y avait plus d'eau, plus d'électricité. Avec tous les habitants de l'Anse, nous avons creusé un grand trou dans le sol pour brûler tout ce qui était périmé pour ne pas attirer les rats. Tout le monde s'est mis à nettoyer. Il y a eu beaucoup d'entraide. Durant les premières nuits qui ont suivi, nous étions aussi dans la crainte de l'insécurité. Quand l'armée est arrivée, la mise en place de la logistique a pris quatre à cinq jours. Ce qui était normal, car ils n'auraient pas pu nous aider sans infrastructure". Rapidement heureusement « nous avons pu remettre en service le générateur et forer de l'eau. Toute la résidence a pu en profiter. Ca nous a permis également d'avoir un peu d'électricité et de clim pour les bébés. La nuit, il faisait 35° ».

Retour à Nice

Les femmes et les enfants ont été rapatriés au bout d'une dizaine de jours. Florian a suivi un mois plus tard. « En arrivant en métropole, nous avons tous eu droit à un 'chek up' santé. On craignait surtout pour les tympans des bébés, à cause de la pression du vent. Il nous restait un bien familial près de Nice et nous avons pu nous installer. Mais nous avons dû tout racheter ». Pendant plusieurs semaines, les Mercadier sont au point mort, anéantis moralement. « Et puis, un jour, on s'est dit que des risques, il y en avait partout. Et nous avons décidé de reconstruire.» Sauf que de nouveaux obstacles sont apparus. « Nous avons déposé les dossiers et permis mais nous sommes confrontés à la lenteur de l'Etat. Nos salariés, qui sont originaires de l'île, sont en pleurs au téléphone. Ils veulent retrouver du travail et nous, aujourd'hui, nous voulons que Saint-Martin revive. C'est un petit bijou qu'il ne faut pas abandonner. Mais pour que les efforts ne soient pas vains, il faut que les choses avancent. Bien sûr, de nouvelles normes sont nécessaires mais qu'on nous les donne ! Tout le monde là-bas attend à un retour à l'activité alors que l'administration française freine, repousse. Elle se donne 5 à 6 mois d'étude alors que nous aurons 8 mois de travaux. Il est important de pouvoir rouvrir pour les fêtes, sinon, les touristes vont délaisser Saint-Martin » Florian déplore également, en tant que chef d'entreprise, le manque d'aides. L'assurance a couvert l'hôtel mais pas le restaurant. Il a dû faire un licenciement économique pour ses 11 salariés en CDI. Peu d'indemnités au bout du compte. « L'activité, côté hollandais, a déjà repris. Pas du côté français. Pourquoi tant d'atermoiement ?  » s'interroge-t-il. 

#OuraganIrma# #SaintMartin# #FlorianMercadier# #MaitresRestaurateurs#


Publié par Sylvie SOUBES



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