Éric Guérin : "Il faut cultiver sa différence"

Saint-Joachim (44) Le chef a réussi à créer son univers, son monde. La Mare aux oiseaux est son nid depuis vingt-et-un ans. Sa différence, il la cultive et il incite ses collaborateurs à faire de même. C'est la cuisine qui y gagne.

Publié le 27 mai 2016 à 14:19

L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Éric Guérin : Dans les années 1980, ma mère a ouvert une galerie d'art dans la maison familiale près de Giverny, si bien qu'il y avait toujours beaucoup de monde chez nous et qu'elle faisait à manger. J'adorais cette ambiance de partage et à 12 ans, j'ai décidé de faire l'école hôtelière au lieu des Beaux-arts. Mes parents, amoureux des belles choses et épicuriens, ont commencé à nous ouvrir au monde grâce à des voyages. Tout cela a été déterminant. À 15 ans, je suis entré en BTH au lycée Jean Drouant à Paris et j'habitais seul dans une chambre de bonne. J'ai passé un CAP cuisine et un CAP restaurant en candidat libre, puis j'ai commencé à travailler dans de grandes brigades.


Votre plat favori à la carte ?

L'Île flottante de poisson d'eau douce, confit de boudin noir fermier et orties sauvages en vinaigrette. Ce plat me ressemble dans sa construction car ce sont des produits simples qui finissent par donner un plat très raffiné. Il se compose d'un silure, poisson sauvage de rivière sans arrête et qui n'est pas cher. Il m'a fallu du temps pour trouver comment le préparer, mais il est fin, bon pour l'environnement et économiquement. Je m'entête à le garder à la carte et les clients l'ont adopté. Le cochon fermier, le silure et les herbes d'ici, c'est une signature de la Bretagne.


Votre plat best-seller ?

Un seul plat ne change pas, le chocotruffe [fourme d'Ambert, chocolat blanc et truffe]. C'est un passage, un entre-deux. Le chocotruffe provoque. À 90 % les clients adorent et le trouvent magique, et 10 % n'adhèrent pas. Mais il fait partie de notre écriture.


Le plat que vous auriez aimé inventer ?

Les ravioles ou la betterave d'Alain Passard. Ça me fait pleurer. C'est avec lui que j'ai compris qu'il ne fallait pas en rajouter mais en retirer, qu'il fallait magnifier l'essentiel.


Vous avez fait très tôt le choix d'être à votre compte. Si c'était à refaire ?

J'avais 25 ans et j'en avais assez des grandes brigades. J'ai décidé de me mettre au vert pendant deux ou trois ans en reprenant le petit restaurant du village à Saint-Joachim où mon père m'emmenait chasser depuis mes 16 ans. Je ne suis pas un gars de la ville. J'étais seul en cuisine avec un apprenti. On vivotait mais j'étais heureux. En février 2000, j'ai jeté l'éponge et fermé le restaurant. Quelques jours plus tard, j'avais une étoile Michelin. À partir de ce moment-là, tout a changé pour moi. Si c'était à refaire, je n'aurais pas agrandi la maison en 2010, car la société a changé. Agrandir signifiait pouvoir compenser l'activité aléatoire de la semaine le week-end. Aujourd'hui, il vaut mieux avoir un petit restaurant avec peu de personnel. Mon seul vrai regret, c'est de ne pas avoir travaillé chez Alain Passard et Pierre Gagnaire.


Quelles sont vos sources d'inspiration ?

C'est ma vie. Mes sources d'inspiration se fondent sur une trilogie : la terre - qui on est, d'où l'on vient, le geste, l'éducation -, l'eau - la transmission, la rencontre, les assemblages en cuisine -, et l'air : la liberté, le voyage, l'oiseau, la part d'enfance qui permet d'être créatif. Je vais aussi à l'étranger découvrir des cultures, des civilisations disparues, des animaux. Cela me nourrit de cette humilité qui est nécessaire à ma cuisine. Il faut cultiver sa différence.


Vous avez été précurseur en matière de communication et sur les réseaux sociaux. Comment envisagez-vous votre communication ?

J'ai toujours considéré la communication comme un métier à assurer en plus de celui de cuisinier. J'y consacrais mes jours de congés. Aujourd'hui, je lève un peu le pied. J'ai créé en 2003 une société de communication chargée exclusivement de la Mare aux oiseaux. On a créé un blog, mis en place une image en perpétuel mouvement, nous sommes passés à une page Facebook professionnelle. J'ai toujours été impliqué dans la communication visuelle et virtuelle. Quant aux contenus, j'écris tout.


Vous avez une image de chef et de manager moderne. Quels sont les points forts de votre management ?

Il faut laisser s'épanouir les talents individuels tout en conservant son rôle de chef d'orchestre. C'est là que cela devient compliqué, car je n'embauche que de fortes personnalités. Il faut arriver à maintenir son propre rythme et conserver une ambiance saine et décontractée. Il ne faut froisser personne et mettre tout le monde en valeur. Cela demande une remise en question permanente et beaucoup de générosité. Ma transmission en cuisine ne se borne pas à demander à mes collaborateurs de lire les recettes, mais d'apporter leur sensibilité, leur touche personnelle. Ils ne perdent pas leur identité en travaillant avec moi. Il faut être ouvert à l'évolution, au partage.

Un rêve à réaliser ?

Mon parcours de vie, associé à mon métier, m'a déjà ouvert la porte de bien des rêves. J'ai construit mes lieux de vie à mon image. Mon rêve aujourd'hui serait de pouvoir continuer mon développement personnel en toute liberté, avec cette sérénité du chemin parcouru et du savoir-faire, tout en continuant à former de belles âmes de restaurateurs. Mais j'ai également un rêve plus secret, celui de repartir à zéro quelque part sur terre pour me nourrir d'une autre histoire.

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La Mare aux oiseaux en chiffres

Ouverture : 1er avril 1995

Nombre de places assises : 70

Nombre de couverts par jour : 140

Nombre de services par semaine : 13

Prix des menus : 55 € (midi en semaine), 75 €, 105 €

Ticket moyen : 115 €

Effectifs : huit personnes en salle, douze en cuisine

Nombre de chambres : 15

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Le Jardin des plumes en chiffres

Nombre de places assises : 40

Nombre de couverts par jour : 80

Nombre de services par semaine : 14 d'avril à octobre et 10 de novembre à mars

Prix des menus : 48 € (midi), 85 €

Ticket moyen : 95 €

Effectifs : 4 personnes en salle, 6 en cuisine

Nombre de chambres : 8


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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