Emploi en Île-de-France : un turnover maximum

Paris (75) Parce que l'offre est supérieure à la demande dans l'hôtellerie-restauration en Île-de-France, les salariés n'hésitent pas à démissionner du jour au lendemain. Le turnover francilien est ainsi de 15% supérieur à celui de la province. Un vrai casse-tête pour recruteurs et employeurs.

Publié le 08 mars 2012 à 11:14

Hôteliers et restaurateurs recrutent. Même en période de crise. La preuve : avec 12 300 nouvelles embauches au premier trimestre 2010, le secteur était le plus créateur d'emplois en France. Et même le troisième employeur du pays, avec quelque 800 000 salariés. Des salariés dont le gros des troupes se retrouvent en Île-de-France. "Pas moins de 40 % des recrutements en France ont lieu à Paris et dans sa région", constate Delphine Gangbes, directrice adjointe en charge de la branche hôtellerie-restauration chez Randstad. Et pour cause : selon l'office du tourisme et des congrès de la capitale, Paris représente 13,7 % des emplois touristiques en France et l'Île-de-France - hors Paris - 17,7 %. "C'est le marché de l'emploi le plus important et aussi le plus diversifié", poursuit Delphine Gangbes. Du bistrot de quartier à la table étoilée, en passant par l'hôtel 2 ou 3 étoiles - ce segment représente 77 % du parc des hôtels parisiens - jusqu'au palace, il y en a pour tous les goûts et tous les porte-monnaie. Avec des hôtels chaque année un peu plus nombreux, et qui montent nettement en gamme. En effet, le nombre de 4 étoiles a plus que doublé en l'espace de quinze ans. Quant aux 5 étoiles, ils ouvrent actuellement en rafale dans la capitale. Ce qui est d'ailleurs créateur d'emplois : "Ces nouvelles ouvertures ou projets d'ouvertures permettent encore beaucoup de recrutements", confirme Delphine Gangbes.

Le revers de la médaille ? "Le turnover", répond sans ambages André Decoutère, DRH du groupe Lucien Barrière. Et ce aussi bien dans l'hôtellerie milieu et haut de gamme que dans la restauration traditionnelle. L'explication du phénomène tient essentiellement au fait de travailler le dimanche et les jours fériés, de s'adapter à une certaine pénibilité du travail et au stress du coup de feu ou encore d'avoir des horaires décalés, ce qui ne facilite pas la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. "Les jeunes, en particulier, prennent réellement conscience de l'ensemble de ces contraintes une fois qu'ils y sont confrontés", expliquait Bruno de Monte, directeur de l'école Grégoire Ferrandi à Paris (VIe) lors d'un débat sur le thème 'Emploi et formation' au dernier salon Equip'Hôtel. "Comme l'offre est supérieure à la demande, ajoute Delphine Gangbes, lorsqu'un salarié ne se plaît pas à son poste, il le quitte sans redouter de ne pas retrouver de travail. Actuellement, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, on peut démissionner quasiment du jour au lendemain."

Former pour fidéliser les salariés

Certains employeurs tentent d'organiser une riposte à ce turnover. C'est le cas au sein de l'enseigne Courtepaille, par exemple. "Nous proposons des cycles de formation pour aider les salariés à progresser au sein de l'entreprise", détaille Luc Negri, DRH du réseau Courtepaille. Résultat : "Nous sommes passés de 60 % de turn-over en 2000 à 37 % en 2010." L'opération se révèle donc des plus incitatives. Malgré cela, il reste des pans entiers du secteur hôtellerie-restauration où la main d'oeuvre fait défaut en Île-de-France.

"À Paris, il manque des femmes de chambre qualifiées", déplore André Decoutère. Dans un autre domaine, celui du snacking, "on recherche des managers, équipiers et commis de cuisine", observe Laurent Pézaire, responsable de l'agence Manpower Restauration et prestige, cadres de la restauration, à Paris. De son côté, Jérôme Piérard, chasseur de têtes et directeur de Dreamsearch, reconnaît avoir du mal à trouver des directeurs et autres directeurs adjoints pour les brasseries Flo, "car le rythme de travail et de présence est très soutenu". Ce qui, bien sûr, complique toute vie de famille.

Typiquement francilien aussi : la problématique de la mobilité. Car s'il est relativement aisé de se déplacer dans Paris intra-muros, grâce aux transports en commun, en revanche de banlieue à banlieue, la situation se corse. Et pourtant, une partie des salariés de l'enseigne Courtepaille, par exemple, y sont confrontés. "Car nos restaurants se situent tous en périphérie de Paris", souligne Luc Negri. Des restaurants qui font un break entre l'heure du déjeuner et celle du dîner. Autrement dit : une partie des équipes pourrait profiter de cette pause pour rentrer chez elle. "Ce qui se fait en province, car les distances entre le domicile et le lieu de travail sont raisonnables, voire très courtes, explique le DRH du réseau Courtepaille. Mais en Île-de-France, c'est loin d'être le cas : rentrer chez soi pendant le break, c'est avant tout passer du temps en plus dans les transports."

Parler jusqu'à trois langues étrangères

Enfin, autre spécificité du marché de l'emploi en Île-de-France : face à la recrudescence de la clientèle internationale, les hôtels de luxe demandent désormais à leur personnel de parler jusqu'à trois langues étrangères. Et là, les postulants se font rares. Parce que l'enseignement des langues en lycée hôtelier, comme en faculté d'ailleurs, se résume bien souvent à l'anglais. Or, Paris attire non seulement des Américains, mais aussi une clientèle du Proche et Moyen-Orient, sud-américaine, italienne et allemande en progression constante, rappellent les dernières statistiques de l'office du tourisme et des congrès de la capitale. Ajoutons à cela la récente ouverture d'un palace tel que le Shangri-La, avenue d'Iéna, qui risque de drainer une forte population chinoise, ravie de poser ses valises dans l'établissement parisien du premier groupe hôtelier de luxe d'Asie Pacifique, où elle espère retrouver tous ses repères.


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Publié par Anne EVEILLARD



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