Alors que le tourisme est déjà considéré comme le mauvais élève de la transition écologique en raison des émissions de gaz à effet de serre qu’il génère (11 % des émissions en France selon l’Ademe), la question de la gestion de l’eau devient cruciale pour la filière, qui en est à la fois fortement dépendante et consommatrice.
Car si l’année 2024 a été particulièrement pluvieuse, a permis de recharger les nappes phréatiques dans la plupart des départements français, de forts épisodes de sécheresse survenant parfois très tôt dans la saison en 2022 et 2023 ont marqué les esprits. C’est notamment le cas dans les Pyrénées-Orientales où les professionnels de l’hôtellerie se mobilisent pour préserver la ressource.
Selon la Direction générale des entreprises, l’hébergement (toutes catégories confondues), avec ses besoins pour les douches, la blanchisserie, l’hygiène, les piscines et espaces de bien-être, représente 59 % du prélèvement total en eau de la filière. Cet impact est notamment montré du doigt dans les régions à fort stress hydrique qui sont souvent les plus fréquentées l'été. Sans compter que, une fois en vacances, les voyageurs rechignent souvent à maîtriser leur consommation (lire ci-dessous).
Des changements réglementaires récents
Face à cette situation, comment les hôtels peuvent-ils faire pour réduire sa consommation ? Comptant 53 mesures, le Plan eau lancé en 2023 par le Gouvernement vise à réduire de 10 % les prélèvements en France d’ici à 2030 et a introduit de récents changements réglementaires. Les eaux déjà utilisées (dites 'grises') et les eaux de pluie peuvent aujourd’hui servir pour certains usages non alimentaires par les hôteliers, depuis un décret du 12 juillet dernier.
“Les eaux des douches, des piscines, de lavage… peuvent désormais être réutilisées pour le nettoyage des surfaces ou l’arrosage des espaces verts, après un traitement minime et peu onéreux, explique Thierry Troudet, vice-président France d’Ecolab, une société spécialisée dans la gestion de l’eau et l’hygiène. Les solutions existant déjà dans l’industrie, elles peuvent être adaptées aux hôtels après un audit préalable.”
Il est toutefois ndispensable de prendre en compte les infrastructures de l’établissement ainsi que son écosystème local et ses enjeux : “L’eau est une ressource locale, finie et partagée, ce qui signifie que ce qui est prélevé n’est plus disponible pour les autres. Dans les zones à fort stress hydrique, il n’est pas à exclure que des restrictions d’eau en période de sécheresse puissent à terme menacer le fonctionnement des hôtels”, alerte le dirigeant.
Une recherche constante d’innovations
Et comme la ressource la moins chère sera toujours celle qui n’est pas consommée, les fournisseurs planchent sur des solutions pour économiser l’eau des douches, plus gros poste de consommation dans les hôtels. Toutefois, une étude publiée en mars dernier par l’université du Surrey (Angleterre) tend à minimiser l’impact des mousseurs et réducteurs de pression, car ils conduiraient les clients à prendre des douches plus longues. Elle avance que les douches à haute pression munies d'une minuterie sont les plus économes.
Alors que certains fournisseurs proposent des pommeaux lumineux qui passent progressivement du vert au rouge, d’autres font désormais appel aux sciences comportementales pour inciter le client à réduire le temps passé sous la douche. C’est le cas de la société Luniwave et son approche “d’écologie positive”, explique Arthur Dumoulin, l’un de ses cofondateurs. “Le client se fixe, de façon ludique, un objectif, par exemple de 40 litres maximum, et un module installé sur le flexible l’informe de sa consommation en temps réel. Puis, pour chaque litre d’eau économisé, l’hôtel peut proposer un don équivalent à une ONG ou une réduction dans l’établissement.” Le dirigeant avance une économie d'eau pouvant aller jusqu’à 38 %.
L’émergence d’un tourisme plus durable étant devenu une nécessité à l’échelle du pays, Atout France a lancé en août dernier un appel à manifestation d’intérêt pour encourager la création de solutions et de pratiques exemplaires en matière de gestion de l’eau. Une subvention à hauteur de 50 000 € maximum sera accordée par lauréat. Car il s’agit maintenant d’aller plus vite dans l’innovation pour préserver la ressource et la filière bien sûr, mais aussi et surtout, les populations et l’écosystème local.
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Publié par Roselyne DOUILLET