#Coronavirus et déconfinement : doit-on rouvrir maintenant ou attendre, avec quelle rentabilité ?

L'analyse de Christopher Terleski, président fondateur de la société C.H.R. Conseils et Formations, et auteur du SOS Experts 'Gagner en rentabilité en améliorant sa marge brute'.

Publié le 27 mai 2020 à 11:48

L'objectif de cet article est de permettre d'appréhender les principaux paramètres qui permettront à chaque exploitant de prendre ses propres décisions. Il est extrêmement important de se rapprocher au plus vite, si ce n'est pas déjà fait, de son comptable ou conseil, pour déterminer le chiffre d'affaires minimum à réaliser. Restera ensuite au professionnel d'ajuster en fonction de l'évolution de l'activité et des contraintes qui l'attendent.

Ouvrir ou attendre ? Parmi les principaux facteurs qui vont conditionner la réponse…

La saisonnalité et l’emplacement : Une entreprise située à Paris dont la période de calme plat se situe entre le début du mois de juillet et la première semaine de septembre aurait peut-être raison de ne cibler que la date de septembre, surtout si elle ne propose pas actuellement de la vente à emporter, tandis que l’établissement côtier qui dépend d’une activité estivale dès le mois d’avril à intérêt à ouvrir le plus tôt possible, tout en pouvant espérer un prolongement de la saison en septembre et octobre.

Le profil de la clientèle et la complexité des prestations : Les établissements dont les prestations sont plutôt haut de gamme et qui supportent habituellement des masses salariales importantes seront obligés d’ouvrir avec des équipes complètes ou presque si le produit proposé reste sensiblement identique à celui qui précédait la crise. Une baisse des effectifs aurait éventuellement un effet négatif sur l’expérience client. Ces établissements en ouvrant immédiatement se condamnent à devoir retrouver très rapidement leur niveau d’activité habituel ou à travailler autrement.

La distanciation : Le débat actuel sur la distanciation laisse planer le doute sur la capacité d’accueil. Un bouchon Lyonnais sans terrasse qui devrait s’imposer 4m² au sol  par client ne pourra pas réaliser le chiffre d’affaires nécessaire à l’équilibre de l’entreprise, tandis qu’un établissement avec terrasse, une salle de séminaire et une salle de restaurant pourrait revoir sa capacité d’accueil. Cependant, mettre en œuvre un service distancié, à plusieurs endroits, en même temps, risque d’entrainer de nouvelles difficultés et peut, très vite, ne pas être rentable.

Les résultats des exercices précédents : La santé économique de l’entreprise avant la crise va influer sur la manière de rouvrir (ou de rester fermer dans un premier temps). Un restaurant qui produisait de bons résultats (au moins + 10% de résultat par an avec un bon niveau d’activité régulière, une bonne maîtrise de ses marges et un endettement limité) aura plus de possibilités de retrouver sa rentabilité et de combler les dettes cumulées durant la période de fermeture que l’établissement qui réalisait, depuis des années, des résultats en dents de scie, tantôt positif, tantôt négatif, avec des difficultés de trésorerie.

 

Serais-je rentable en rouvrant ?

Sauf à quelques rares exceptions, l’entreprise va devoir retrouver au moins 90% de son chiffre d’affaires d’avant crise pour commencer à rattraper les pertes de 2020 et surtout pour assurer 2021 quand les aides de l’Etat n’existeront plus.

Grâce aux aides actuelles, l’exploitant peut, après avoir mesuré les contraintes qui l’attendent, utiliser le chômage partiel et l’annulation des charges comme un levier, ce qui va permettre de restreindre les pertes entre juin et décembre.

Mais comment réagir si l’activité sur les 7 mois ne décolle pas et que l’entreprise ne créé pas suffisamment de chiffre d’affaires pour couvrir les achats de matières premières liées au chiffre d’affaires réalisé à travers la maitrise de la marge brute, les frais fixes absolus (frais liés au fonctionnement, entreprise ouverte ou non), les frais semi-fixes qui vont reprendre après la réouverture (eau, gaz, électricité, etc.) et les remboursements inévitables (établissement ouvert ou non) ?

Il se peut qu’on soit comme les coiffeurs, avec un engouement massif qui permettra de retrouver le niveau d’activité d’avant crise. Dans le cas contraire, il sera nécessaire d’ajuster son produit, sa stratégie RH (réduction de l’effectif le temps nécessaire à retrouver un niveau d’activité acceptable, avec le risque de voir une disparition des qualités techniques des équipes déjà en place), réduire les charges opérationnelles (diminution des coûts tout en conservant un niveau de qualité). En d’autres termes, il va falloir établir une nouvelle stratégie d’entreprise,  un nouveau ‘ business model’ qui permettront de retrouver une rentabilité et ainsi pérenniser l’établissement.

 

Suivre sa performance au plus près, un impératif quelle que soit l’entreprise

Deux cas de figure pour comprendre que presque tous les restaurants sont très sensibles aux aléas de la reprise et doivent veiller en permanence à leur niveau performance dans les 18 mois à venir.

Exemple 1. Une entreprise à faible rentabilité. De juin à décembre 2019, l’entreprise a….

  • réalisé un CA de 250 000€ HT
  • produit une marge brute de 68%
  • supporté un coût salarial chargé de 38% de son CA (95 000€)
  • supporté des frais fixes de 22% (55 000€)
  • supporté un remboursement bancaire de 6% (15 000€)
  • produit un résultat après impôts de 2%

Avec une réouverture en juin 2020, l’entreprise doit obligatoirement réaliser un chiffre d’affaires qui se situe au minimum à 72% de la valeur 2019, tout en gardant sa masse salariale proportionnelle à son nouveau chiffre d’affaires (utilisation judicieuse du chômage partiel). En dessous de 72%, la situation va se dégrader.

En 2021, chômage partiel et aides supprimés, le même restaurant devra réaliser 97% de son chiffre d’affaires de 2019 pour faire face au fonctionnement et commencer à rembourser les dettes accumulées entre mars et juin 2020.

Les deux chiffres, 72% et 97% sont en effet les ‘seuils’ de retour à la rentabilité.

 

Exemple 2, une entreprise à bon niveau de rentabilité, qui affichait avant la crise :

  • une marge brute de 70%
  • un coût salarial à 35%
  • des frais de fonctionnement de 22%
  • des frais de remboursements de 5%
  • un résultat net de 8%

Les ‘seuils’ de retour à la rentabilité se situent à hauteur de 63% pour 2020 et 89% pour 2021. Ils vont permettre de faire face à l’opérationnel en 2020 et 2021. Pour rembourser les dettes contractées entre mars et juin 2020, cette entreprise doit nécessairement avoir un chiffre d’affaires supérieur à 89%.


Publié par Sylvie SOUBES



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