Le 1er
juillet 2015, les salariés d'un transporteur maritime français bloquent le port
de Calais. Impossible aux vacanciers anglais de débarquer. Dehors, les camions
s'entassent, dans lesquels les migrants tentent, à découvert, de grimper. Les
médias britanniques s'emparent de l'événement. Pour la ville et sa région, l'impact
est immédiat. « C'est à partir de
cette date que nous avons subi une chute d'activité. Les télévisions
anglo-saxonnes montraient en boucle désordre et cahots. Quand les grèves se
sont arrêtées, le mal était fait. Les anglais, qui constituent l'essentiel de
notre clientèle, ont eu peur et ont cessé de venir » résume, laconique,
Pierre Nouchi. Le président de l'Umih 62 est installé depuis près de 40 ans à
Calais, deuxième port mondial en nombre de passagers après Douvres. Plus de dix
millions de personnes en transit en temps normal. « Le phénomène de migration, explique Pierre Nouchi, a toujours existé mais il a pris cette fois
des proportions impressionnantes avec la constitution de cet immense bidonville
à nos portes, qui vient d'être en partie démantelé ». Un soulagement
pour la ville ? « La maire, Natacha Bouchart, s'est battue pour
éviter que des campements s'installent dans Calais, mais l'image de la jungle a
fortement marqué les esprits ».
- 20 à - 30%
Le bilan pour l'activité est assez « catastrophique » depuis 18
mois : entre – 20 et – 30% pour les restaurants, les bars, les
établissements à thème et les discothèques, - 60% de clientèle anglaise. Le
manque à gagner touche Arras, Saint-Omer, Boulogne, Dunkerque, Le Touquet…
Malgré quelques événements 'heureux' comme le spectacle de rues, Long Ma (l'esprit
du cheval dragon), dont l'unique représentation en Europe s'est déroulée fin
juin à Calais, attirant près de 350 000 personnes sur une semaine ou une
météo clémente de juillet à octobre, la reprise n'a pas été au rendez-vous. « Le ticket moyen est en chute libre.
On est en dessous de 10 euros » constate un exploitant de bar situé
entre le port et la gare. Sur l'artère,
plusieurs bistrots et restaurants sont à vendre. « Calais, reprend Pierre Nouchi, est une ville saisonnière, qui, habituellement fonctionne de Pâques à Octobre.
Pour les anglais, c'est la première étape avant le sud ou la dernière avant de
rentrer chez eux. Nous avons aussi la Cité de l'Europe. Quand la livre était
intéressante, ils venaient faire leur course, notamment avant Noël. L'an
dernier, les fêtes ont été très calmes. Cette année, Calais a perdu près de 1 000
emplois saisonniers, toutes activités confondues » déplore le
dirigeant syndical. Les secteurs en crise ont bénéficié d'étalements ou reports
d'échéance. Insuffisant aux yeux du président du Pas-de-Calais. « En ce qui nous concerne, nous
demandions, par exemple, la gratuité des droits de terrasses. La maire a choisi
de nous laisser exploiter nos terrasses au-delà des surfaces habituelles, sans
pénalité ou suppléments ». L'insécurité a-t-elle été réelle ? « En restauration, le soir, la clientèle
locale vient un peu plus tôt, dès 19 heures alors qu'elle venait avant vers 20h30/21h. Est-ce un réflexe inconscient ? Ce qui est certain, c'est que
les gens angoissaient sur la route la nuit à l'idée de percuter un migrant. Dans Calais, ça toujours été tranquille ». L'hôtellerie a été, quant à elle, impactée
différemment. Il a bien fallu loger les 3 000 gendarmes et CRS
appelés en renfort « mais les prix
étaient négociés au tiers, petit déjeuner inclus » soupire le
dirigeant syndical. Le démantèlement de la jungle a également eu pour effet l'arrivée
de 800 journalistes sur site. « Les
télés du monde entier étaient là pendant une semaine ». Et maintenant ?
« C'est l'inconnu, termine
Pierre Nouchi. Les français n'ont pas le
pouvoir d'achat des anglais. Calais s'est toujours relevée grâce à la clientèle
anglaise. Restons optimistes. ».