L’Hôtellerie Restauration : Comment est né Café Joyeux ?
Yann Bucaille : Le premier café-restaurant solidaire est né à Rennes en 2017. Nous avions l’envie, ma femme et moi, de permettre à des personnes en situation de handicap mental et cognitif d’avoir un travail ordinaire. Être exclu du monde du travail, cela crée un handicap supplémentaire. Notre volonté était de changer le regard sur des personnes atteintes d’autisme ou de trisomie, de créer la rencontre et de permettre l’inclusion par le travail et la formation.
Où en est Café Joyeux aujourd’hui ?
Nous avons 12 restaurants en France, plus de 250 salariés au total, dont 154 équipiers en situation de handicap en CDI. Trois autres restaurants ouvriront d’ici la fin de l’année à Paris, dont un café inside au sein de Canal+. Nous avons également quatre filiales en Europe. On professionnalise notre carte : le chef Thierry Marx nous accompagne pour les recettes. Nous développons également une gamme de cafés torréfiés en France depuis 2018 : 100 % des bénéfices permettent de financer le recrutement de personnes en situation de handicap dans nos restaurants. Par ailleurs, nous avons créé un centre de formation Joyeux. Ceux qui travaillent chez nous suivent cette formation en alternance, ce qui leur permet d’obtenir un diplôme d’agent polyvalent de restauration. 65 élèves seront en formation en janvier prochain, et j’espère que cette école sera ouverte à d’autres apprentis à l’avenir.
Quels sont vos projets ?
On a une dizaine de Cafés Joyeux dans les cartons. Entre cinq et sept établissements devraient ouvrir en 2024.
Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Honnêtement, non. Il y a une vraie attente, et pas uniquement en France. On a accueilli plus d’un million de convives dans nos restaurants. On a reçu plus de 1 500 demandes d’ouvertures de Cafés Joyeux. On ne peut pas répondre positivement à toutes. Alors, certaines personnes finissent par monter un restaurant par elles-mêmes, c’est très beau que cela fasse des émules. Nous, on veut y aller prudemment. Le succès, ce n’est pas tant la taille, c’est la qualité du soin apporté à chacun, le progrès de chaque équipier au travers des témoignages de l’entourage, des médecins. Quand un équipier gagne en autonomie et s’épanouit, c’est ça le succès.
Recevez-vous beaucoup de candidatures aux postes d’encadrants ?
Oui, car notre projet a un sens. Mais c’est un métier difficile, qui conjugue la restauration et l’accompagnement du handicap. Il faut une volonté sincère et durable, une appétence pour aider l’autre. Nous formons d’ailleurs nos encadrants à l’inclusion.
Quel est votre business model ?
Nous sommes une fondation sans but lucratif, qui détient une entreprise à 100 %. C’est un système hybride qui mêle le caritatif et le monde de la performance économique. Ce modèle novateur a beaucoup d’avenir.
Publié par Violaine BRISSART