Parlant d'une seule voix, les deux frères et patrons - Xabi, 33 ans, chef- cuisinier et Patrice, 29 ans, chef pâtissier - ne s'en cachent pas : "Nous sommes passés par plusieurs stades : tristesse, énervement, dégoût, mais aussi soulagement de voir qu'il n'y avait eu aucun blessé." Jamais le mot "découragement" ne sera prononcé.
Chez les Ibarboure, hôteliers-restaurateurs au coeur du Pays basque depuis trois générations, la solidarité est sans faille. Et, il y a quelques mois, cette solidarité a été particulièrement précieuse. Le 18 novembre dernier, alors que leur restaurant, La Table des Frères Ibarboure à Bidart, est fermé depuis deux jours pour vacances, un incendie se déclare dans la buanderie. Pendant la journée, les machines avaient tourné à plein régime. Le feu est parti d'une prise électrique et les piles de linge sec ont joué le rôle de mèche. Xabi Ibarboure se souvient : "C'est un ami restaurateur de Bayonne qui passait par hasard qui a entendu des crépitements. Il a aussitôt prévenu les pompiers, arrivés vingt minutes plus tard."
Locaux techniques et de stockage, économat, cave du jour, vestiaires du personnel sont partis en fumée. Tout comme l'appartement de 200 m2 à l'étage, où résidait Patrice. Il ne reste rien de ses effets personnels ni des souvenirs d'enfance des deux frères, qui ont vécu ici avec leurs parents depuis 1988. Un arrachement. Dans les deux salles de restaurant, le salon, les cuisines, à l'accueil, la fumée et la suie imprègnent les moindres recoins.
"Prendre un courtier en assurances"
Soline, la femme de Xabi, insiste : "Si je peux donner un conseil à mes confères, c'est de prendre un courtier en assurances qui va rechercher sur le marché le meilleur contrat, et même demander des aménagements." Dans leur cas, le courtier avait prévu la nomination d'un expert indépendant pour la famille et la remise à neuf (et pas uniquement une remise en état) des bâtiments. "Cette clause nous a fait gagner 25 % de prise en charge."
Mi-décembre, la décision est prise : rebâtir sur de nouvelles bases et recommencer au plus vite, alors que la garantie perte d'exploitation porte sur 24 mois. Dès janvier, une première enveloppe de 100 000 € est versée par l'assureur, tandis que les premiers travaux sont financés par la famille, sur une trésorerie prévue notamment pour régler les 24 salariés à l'année lors des fermetures pour congés. "Pour le reste, nous avons obtenu de nos deux banques des prêts à un taux très bas, 1 %. C'était le moment d'emprunter !", analyse Xabi Ibarboure. L'accord final sur les indemnisations est signé début mars, couvrant près de 50 % du coût total du matériel.
Un restaurant neuf pour un nouveau départ
La fratrie et le père ("qui a été exceptionnel", souligne Patrice Ibarboure), ont veillé à temps plein sur le bon déroulement des travaux. Xabi insiste : "C'est grâce à un véritable partenariat entre les entreprises et l'assureur que nous avons pu tenir les délais." En trois mois, tout a été reconstruit.
Les cuisines possèdent désormais des zones de travail thématiques, une nouvelle cave à vins est visible depuis la plus grande salle du restaurant sous la superbe rotonde en bois. Le décor des autres espaces a été réinterprété, avec des grands carreaux d'inspiration béton dans les zones de passage et du parquet en chêne de Bourgogne dans les deux salles à manger. Un mobilier plus contemporain est arrivé, fourni par un fabriquant basque. Avec les nouvelles tables en triangle aux côtés légèrement arrondis, tous les clients bénéficient d'une vue sur le jardin.
"Cet incendie a été très dur à vivre, mais au final, cette maison lancée par notre père est devenu notre projet", confient les frères.
Reste à repartir. "Un sportif de haut de niveau qui arrête de s'entraîner pendant six mois ne va devenir tout de suite champion du monde, sourit Xabi Ibarboure. On va privilégier la qualité à la quantité. On essaye aussi de repenser notre manière de travailler. Tout en étant chef de cuisine, toujours en production, il faut être aussi chef d'entreprise. Je vais d'avantage m'appuyer sur nos équipes. Elles sont aussi motivées que nous pour revenir au plus haut niveau."
Publié par Brigitte DUCASSE