Des menus halal
D'un point de vue financier, la réquisition ne fut pas préjudiciable. Le tarif de la pension a été négocié par la préfecture sans abus. Mais le Ramadan va compliquer l'accueil de ce djihadiste reconnu coupable d'avoir projeté, en 2001, un attentat contre l'ambassade des États-Unis à Paris : "Il était difficile de trouver de la viande halal dans la région et d'affecter du personnel pour son service à des horaires décalés. Avec l'autorisation de la préfecture, nous avons alors déplacé notre visiteur vers l'un de nos appart-hôtels. Il pouvait faire sa cuisine et recevoir sa famille, qui logeait au camping voisin, témoigne l'hôtelière. Si nous n'avions pas su qui il était, personne n'aurait pu imaginer qu'il sortait de prison. C'était un homme affable, qui allait boire son café au bar d'à côté. Un an après son arrivée, en mai 2010, les gendarmes sont venus le chercher pour le remettre en prison à Rennes." Djamel Beghal était en effet alors soupçonné de préparer l'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, condamné en 2002 pour l'attentat à la station RER Musée d'Orsay en octobre 1995.
"La presse nous a fait beaucoup de mal"
"Nous ne savions rien de ses activités ni des visites des frères Kouachy ou d'Amedy Coulibaly [Djamel Beghal les aurait rencontré en prison et aurait été leur gourou, NDLR], comme nous avons pu lire dans la presse après les événements de Charlie Hebdo", ajoute Muriel Barré. Pour elle, la présence de ce client singulier fut moins nuisible que le déferlement de journalistes au lendemain des attentats du 7 janvier dernier. "Une chaîne de télévision française s'est introduite sans autorisation dans une chambre en affirmant que c'était celle de Djamel Beghal. Un mensonge. J'ai été filmée à mon insu. On m'a fait dire que la facture réglée par l'État pour loger M. Beghal était de 3 000 € par mois, or c'était la moitié... Un client qui a cru reconnaître à la télévision la chambre qu'il envisageait de louer, a annulé. 'Il est hors de question que je loge dans l'appartement d'un islamiste', a-t il justifié. La presse nous a fait beaucoup de mal, parce que nous ne voulions pas témoigner. J'ai d'ailleurs saisi mon avocat. La tempête se calme, mais nous recevons encore des appels anonymes de gens qui nous demandent si nous avons des menus halal ou s'il y a des armes dans les chambres", déplore Muriel Barré.
Publié par François Pont