Akrame Benallal : Ce livre me permet de marquer les choses. Il faut marquer son identité culinaire au fer rouge, ne pas se laisser influencer. Un jour, ça paye ! Tous ceux qui ont réussi n'ont pas dérogé à cette règle. Il faut être un peu visionnaire. J'ai tout perdu à Tours et j'ai tout refait. Il ne faut rien lâcher. Ma cuisine n'est jamais figée. Je me remets tous les jours en question grâce à mon regard sur le monde. Ce sont les hommes et les rencontres qui me font avancer. Pour moi, la cuisine est un dialogue universel qui connecte tout le monde.
Le plat de votre carte que vous préférez ?
Le homard cuit dans un tube de verre. C'est un plat écolo : tout est transformé. On mange tout.
Votre grand plat classique préféré ?
Le vol-au-vent. Il concentre toutes les textures. Il est complet et parfait.
Votre plus grand souvenir au restaurant ?
Mon dernier grand souvenir, c'est chez Michel Guérard, à Eugénie-les-Bains. C'est un visionnaire qui a fait évoluer tous les cuisiniers. Ses plats sont incroyables.
Au restaurant, en tant que client, sur quoi se porte votre attention ?
Je suis dans le plaisir et la découverte. Je regarde l'accueil ; 80 % de la réussite d'un restaurant réside dans la qualité du service. Les collaborateurs en salle sont les poètes de la cuisine du chef. Il faut être heureux d'être au service de l'autre. C'est ce qui permet de rendre heureux.
Ce qui vous agace le plus ?
Quand on a l'impression que l'on dérange, comme dans certains magasins…
Quel sont vos projets, vos espoirs ?
Continuer à avancer, m'investir encore plus dans la transmission pour inciter les jeunes à se dire que rien n'est impossible, se mettre au service de l'image que l'on donne de la France à l'étranger et travailler pour récupérer la deuxième étoile.
Vous avez créé en quelques années une série de concepts de restauration qui couvrent tous les
segments. Qu'est-ce qui vous a motivé ?
Je l'ai fait en cinq ans. Honnêtement, si j'avais voulu devenir riche, j'aurais ouvert des fast-foods. La vraie belle école, c'est d'écouter les clients. Dans mon restaurant gastronomique, je leur demandais ce qu'ils mangeaient le midi et j'ai vu que leur consommation changeait, le ticket moyen aussi. Ils voulaient par exemple manger au bureau pour être plus productifs. Et surtout, ils souhaitent avoir le choix. Qui, mieux qu'un vrai cuisinier, peut se mettre au service d'une cuisine populaire ? Un cuisinier ne peut pas tricher et il tient la promesse qu'il fait à ses clients de faire bon. Quand on mange mal, c'est toujours trop cher. Un professionnel peut faire bon à tous les prix. Nous, nous voulons consolider. On a un atelier haute couture et on fait aussi du prêt-à-porter.
Vous voulez aussi changer l'image que l'on a à l'étranger d'une cuisine française polarisée sur le registre gastronomique…
On doit montrer au reste du monde que l'on ne fait pas que dans l'élitisme. La réputation de Paris et de la France s'est aussi construite sur les bistrots. Les chefs doivent imaginer le mieux manger de demain avec notre terroir et cette force que nous avons, avec tous les jeunes qui entrent dans le métier. Il faut que tous les cuisiniers se réveillent et créent des concepts identitaires avec des marqueurs français. Nous devons nous imposer dans tous les registres et devenir les influenceurs de demain.
Publié par Nadine LEMOINE