Cela fait déjà quelque temps que les pratiques des agences de réservation en ligne soulèvent l'indignation, mais depuis juin dernier, la coupe est pleine. De plus, une enquête diffusée lors de l'émission Envoyé spécial sur France 2, consacrée à ce sujet le 1er août dernier, a agi comme un électrochoc dans le milieu hôtelier à Paris. "Nous ne pouvons pas admettre de voir nos chiffres d'affaires amputés par des taux de commissions allant de 18 à 25 % sur les recettes brutes, soit 25 à 33 % sur les recettes nettes", explique un hôtelier souhaitant rester anonyme.
Pourtant, convaincre les hôteliers de se mobiliser pour lutter contre les OTA (Online Travel Agencies) n'est pas si facile. "C'est un peu comme si les hôteliers se trouvaient en état d'addiction", précise l'un d'entre eux. Les symptômes semblent en effet diablement proches si l'on se réfère à la définition des dictionnaires : "L'addiction est un asservissement d'un sujet à une substance ou une activité dont il a contracté l'habitude par un usage plus ou moins répété, qui devient excessif, voire nuisible pour l'individu, le plaçant en état de dépendance."
Ainsi, les hôteliers ne pourraient pas se détacher d'un service qui leur coûte entre 18 et 25 % de leurs recettes. Les symptômes relevés chez les personnes victimes d'addiction se retrouvent : "Une incapacité à gérer sa propre consommation [l'usager consomme plus ou plus longtemps qu'il ne le voulait] ; des efforts infructueux pour contrôler la consommation, une poursuite de la consommation malgré la conscience des problèmes qu'elle engendre."
Le sevrage par la prise de conscience
Pourtant, il y a bien eu quelques initiatives prises ces dernières années pour se libérer des OTA, mais celles-ci restent encore marginales. "Les hôteliers sont pris dans l'engrenage, et ne peuvent plus s'en sortir", déclare l'un d'entre eux. "Il faudrait que, pendant quelque temps, les hôteliers puissent faire leur travail de façon indépendante et accepter qu'en cas de baisse temporaire de fréquentation, ils restent avec des chambres inoccupées, le temps de se constituer une commercialisation solo adéquate." De plus, pourquoi faire appel à un prestataire extérieur alors les taux d'occupation des hôtels parisiens atteignent des records et frôlent plusieurs fois par an les 90 %, en raison de la pénurie de chambres dans la capitale ? "Il y aurait une centaine de jours où tous les hôtels sont complets à Paris", explique un bureau d'études spécialisé.
Pour rompre avec cette addiction, les hôteliers doivent déjà être convaincus de la légitimité de leur combat. Dans l'enquête de France 2, certains n'hésitent pas à déclarer : "Au travers de leurs taux de commission, ces agences plombent les résultats d'exploitation des hôtels, distribuent des informations inexactes [certains hôtels sont présentés comme n'ayant plus de disponibilités sur leur site alors qu'ils ont, sur leur propre site, des chambres disponibles], et enfin elles privent l'État de recettes, car ces sociétés n'étant pas installés en France, elles n'y payent aucun impôt."
Autre pratique contestée par les plus virulents des hôteliers, la rédaction de contrats et la pratique de la parité tarifaire : "Les OTA expliquent qu'il est légitime d'établir la parité tarifaire alors que c'est tout bonnement illégal, explique l'un d'entre eux, qui ajoute : Il s'agit d'un dispositif qui permet au plus fort d'imposer son prix au plus faible." Un dispositif controversé mais dont les hôteliers ne mesurent pas toujours la portée et dont ils ne savent pas comment se sortir.
Les bonnes résolutions
Alors que faire ? Comme en cas d'addiction grave, les groupes de parole sont souvent les plus appropriés. Certains hôteliers parisiens se mobilisent pour rechercher des solutions adéquates et sortir de cette dépendance, conscients qu'ils doivent mutualiser leurs efforts. Ils savent aussi qu'ils ne sont pas seuls, car ces pratiques sont devenues un sujet qui mobilise au-delà de la profession : le Gouvernement souhaite remédier au problème des impôts non perçus, les clients sont désormais informés (l'émission de France 2 à une heure de grande écoute en a étonné plus d'un), et solidaires des hôteliers. Une mobilisation générale qui devrait permettre à ces derniers de reprendre confiance. D'autant que la fréquentation sur Paris n'est pas près de fléchir.
Publié par X. S.
vendredi 9 août 2013