Un restaurant tout neuf, propriété de la municipalité, loué à de jeunes restaurateurs… Voilà l’histoire qui s’écrit actuellement à Rives-en-Seine (Seine-Maritime). Le projet est né en 2015, lorsque la nécessité de redynamiser le cœur de bourg de Saint-Wandrille-Rançon s’est inscrite dans le marbre. Ce petit village normand a un fort potentiel touristique, en raison notamment de son abbaye bénédictine. La municipalité s’engage alors dans la restauration complète d’une habitation située à proximité de l’église du village, avec l’objectif d’y installer un restaurateur. “On s’est dit qu’il fallait lancer le projet, même si nous n’avions pas encore de preneur”, se rappelle le maire de la commune nouvelle, Bastien Coriton.
Le montant des travaux paraît, en effet, trop lourd pour un porteur de projet privé comme pour une collectivité : plus de 1 M€ HT. Alors les élus partent en quête de subventions. L’opération est soutenue par l’État (Soutien à l’investissement local et Fonds d’aménagement et de développement du Territoire), l’Europe (via le Feader), la région Normandie (fonds Cœur de village) et le département de Seine-Maritime (agence d’attractivité). Au total, 690 000 € de subventions permettent de faire aboutir le projet, dont le budget est bouclé sur les fonds propres de la commune nouvelle.
Forte demande touristique
Pour occuper ce local idéalement placé (140 m², 60 couverts en salle et 50 en terrasse, avec vue sur l’abbaye), la municipalité lance un appel à projets. Quatre dossiers sont examinés, et c’est celui de Timothée Ludot (enfant du pays) et d’Alexandre L’Horphelin, qui est retenu. Le local est équipé d’une cuisine professionnelle et le loyer est évolutif sur trois ans, avec un bail dérogatoire. Ils n’ont ainsi que le mobilier de salle et les ustensiles de cuisine à financer. “Paradoxalement, le bail dérogatoire a un peu compliqué les choses, mais nous avons fini par trouver une banque qui nous soutient”, raconte Timothée Ludot.
Dès l’appel d’offres, les deux restaurateurs optent pour une carte bistrot chic qui satisfait aussi la municipalité. “Autour de Saint-Wandrille, nous avons beaucoup de brasseries et un étoilé, mais pas vraiment d’offre entre les deux, détaille le maire. Et nous voulions un restaurant capable d’accueillir un bus entier ou pour satisfaire la demande de touristes en croisière sur la Seine.”
Donner en retour
S’ils sont sans ambiguïté aux manettes de leur affaire, les deux restaurateurs font leur possible pour contenter leur propriétaire et ses administrés. “Au début, des clients nous disaient : ‘Vous pouvez nous remercier ! C’est nous qui avons payé votre restaurant’, sourit Timothée Ludot. Mais nous respectons l’idée que nous avons profité indirectement de financements publics.”
De cette situation, les deux jeunes gens ont fait une force, s’astreignant au plus rigoureux professionnalisme, pour être irréprochable et donner en retour. “Tout est fait maison et nous travaillons de bons produits locaux, insiste Alexandre. Aujourd’hui, tout le monde voit que l’on travaille beaucoup, que nos salariés sont bien traités et que nous sommes attentifs à maintenir un bon rapport qualité-prix.”
Après avoir démarré prudemment le 21 juin dernier avec une quarantaine de couverts par service, ils assurent aujourd’hui 60 couverts, grâce à 5 salariés. Ils devraient se renforcer pour l’été et affichent la volonté, aussi, de devenir une vraie place de vie pour le village. Des concerts de jazz devraient notamment animer la terrasse cet été. De quoi ravir la municipalité.
Publié par Pour Aletheia Press, Benoit Delabre