L'heure où la cuisine vegan se cantonnait au militantisme est passée. Elle est devenue séduisante et s'épanouit dans tous les types de restauration : fast-food mexicain ou asiatique, pizzeria, gastronomie haut de gamme… Elle s'affranchit des stéréotypes. "Les clichés sur le veganisme représentent un avantage", estime Björn Moschinski, qui a ouvert MioMatto, en septembre dernier, après avoir officié au restaurant La Mano Verde puis créé l'établissement vegan Kopps. "Beaucoup de gens ont l'image de petites boutiques alternatives, au service inexistant, sans alcool ni vin. Chez Mio Matto, nous cassons ces clichés, en créant une ambiance magique, d'excellents vins et spiritueux, un service professionnel." Un concept de 'fine dining' qu'il résume en un slogan : Pizza - Pasta - Passion.
Installé au-dessus du premier supermarché vegan de Berlin, il défend ses valeurs (respect de l'environnement et des animaux, bénéfices pour la santé) mais prône un prosélytisme qui passe d'abord par le palais. Utilisant soja et tofu pour recréer les arômes et la consistance de la viande, le chef veut montrer aux carnivores (environ 50 % de ses clients) que "la cuisine vegan, ce n'est pas seulement de la salade et des graines, mais aussi du goût, un fumet et une esthétique". D'où le choix d'une cuisine méditerranéenne proposant - entre focaccias, bruscetta, et pizza sans fromage - une Blanquette à la crème de pois, grenades et morgelines, ou un Quinoa noir, pralines de chou, patates douces, chou-rave et jus de thym au citron… "Nous avons aussi du cordon bleu, du schnitzel, des produits que l'on ne peut d'ordinaire consommer que d'origine animale", ajoute Björn Moschinski.
Un bar clandestin devenu restaurant chic
Il s'inscrit dans une tendance de plus en plus populaire, comme le montre la floraison de livres de recettes et cours de cuisine végétaliens, voire d'applications pour téléphone mobile permettant de repérer les restaurants vegan… Rien qu'à Berlin, selon le magazine Tip Berlin, on compterait une vingtaine de restaurants végétaliens. Les restaurants végétariens, eux, sont encore plus nombreux. Non-végétarien, Stephan Hentschel applique les préceptes de la cuisine française avec laquelle il s'est formé. En 2007, Cookie, figure de la nuit berlinoise et propriétaire de l'ancien bar clandestin devenu discothèque Cookies Cream, lui propose de passer aux commandes d'un restaurant végétarien qui ne recourt pas à des ersatz. Il précise : "Chez nous, il n'y a ni pâtes, ni tofu, ni riz. Cela veut dire que je travaille les légumes comme je travaillerais de la viande." Il cultive un jardin sur le toit du Westin Grand Hotel voisin, où poussent les fines herbes nécessaires à la préparation de plats tout en légumes, comme ses Asperges à la crème de quinoa, ciboulette et raifort, et son Fenouil confit à la salade sauvage, donut, mousse de tomate et anis. Des plats qui lui ont valu une mention plus qu'honorable dans l'édition allemande du Gault&Millau.
S'il n'est pas sûr que, comme l'affirme Björn Mochinski, la gastronomie vegan soit "la cuisine du futur", herbes et légumes ont en tout cas de beaux jours devant eux à Berlin.
Publié par Gilles BOUVAIST