10 heures : Franchir les portes du Benkay, c'est accepter de se laisser instantanément transporter au Pays du soleil levant. Niché à deux pas de la maison de la Radio, avec vue imprenable sur la Seine, l'établissement fait figure de temple de la gastronomie nippone en France. Ici, trois chefs d'élite se partagent le restaurant. Avec chacun sa spécialité culinaire. Le chef Taichi Ando pour le Washoku (des recettes traditionnelles japonaises de boeuf teriyaki, d'anguilles grillées, ou de beignets tempura de gambas et de légumes), le chef Masao Karasuyam, qui prépare les sushis devant les clients au sushi-bar, et le chef Kenta Kimura, maître du Teppan Yaki, la cuisson sur plaque chauffante. Depuis deux ans qu'il a été embauché au Benkay, Kenta arrive tous les jours de bonne humeur. Le sourire aux lèvres, comme marque de fabrique, il commence toujours par vérifier les réservations du jour. "Aujourd'hui, confie-t-il en feuilletant le carnet du maître d'hôtel, une vingtaine de couverts est prévu. C'est un bon chiffre, qui signifie aussi qu'il va falloir particulièrement assurer !"
10 h 20 : Kenta vérifie à la hâte la livraison des produits qu'il a commandés la veille au soir au marché de Rungis. Poissons extra frais, viandes en pagaille, fruits et légumes : chacun de ces aliments est scruté à la loupe par les cinq commis de l'équipe de Kenta. "Un produit de mauvaise qualité n'a pas sa place chez nous. Les clients qui viennent veulent des matières premières d'excellence. Ils ne nous laisseront pas le droit à l'erreur." Il faut dire qu'un menu Teppan Yaki peut allégrement dépasser les 150 €.
10 h 55 : C'est le moment de la mise en place. Condiments, sauces, alcool… Tout est installé à côté de la plaque chauffante. Les poissons sont ensuite écaillés, filetés, puis détaillés. Les légumes sont portionnés avec rigueur, et les bouillons sont concoctés avec soin. "Tout est préparé à l'avance. Car une fois le client attablé, nous cuisinons directement devant lui."
12 heures : Le service du midi va bientôt démarrer. L'équipe en salle est briefée. Les réservations du jour, les ruptures de stocks, les produits 'à pousser', rien n'est laissé au hasard.
12 h 20 : Les premiers clients s'attablent. Alors que la salle se remplit à toute vitesse, Kenta installe un premier couple d'amoureux à sa table. La commande est prise en un clin d'oeil. Dans la foulée, les commis s'activent en cuisine : charge à eux de préparer tous les ingrédients pour que cela corresponde à la commande. C'est alors parti pour un spectacle culinaire hors du commun. Sur la plaque chauffante, le riz danse entre les spatules, l'ail chuchote, et le Grand Marnier s'embrase. Le menu se compose sous les yeux des clients ahuris : demi-langouste fraîche, filet de boeuf et riz sauté, et le très visuel Fujiyama en dessert (crêpe flambée avec glace à la vanille et salade de fruits). "La principale difficulté d'un chef Teppan Yaki réside dans l'art de la cuisson. Les assaisonnements sont également ardus à réaliser, dans la mesure où il nous est impossible de goûter devant les clients. Nous sommes jugés sur pièce et en direct. Pour ce faire, mieux vaut avoir une grande confiance en soi et une certaine maîtrise du stress."
15 heures : Fin de service. Dans une mécanique bien huilée, chacun range son poste de travail. Chef d'équipe, Kenta en profite pour gérer les absences et les plannings de travail de son équipe. Dans la foulée, il improvise une réunion avec le responsable du restaurant, Sylvain Neveu. Objectif : lui présenter ses dernières créations. Très complices, Sylvain et Kenta décident d'ajouter deux nouveaux plats à la carte du Benkay. "L'idée est de renouveler au maximum notre carte. Nous adaptons également nos plats en fonction des saisons", explique Kenta.
16 h 30 : L'heure de la coupure. Le chef Teppan Yaki se repose pour être en forme le soir.
18 heures : À la hâte, Kenta prépare les amuse-bouches. "Chaque semaine, j'en élabore des différents. Cela peut prendre du temps, mais je tiens à m'en occuper moi-même. C'est un peu la signature d'un chef." Le restaurant ouvre de nouveau ses portes à 19 heures. L'affluence est souvent à son comble pour le service du soir. Mais passionné, comme souvent dans ce milieu, le chef Kimura ne semble pas fatigué. Mieux, il conclut : "J'ai hâte de donner le meilleur de moi-même à mes clients. Chef Teppan Yaki, c'est un peu comme si je faisais un spectacle tous les soirs. Et tel un artiste, c'est cette remise en cause permanente qui fait la beauté de ce métier."
Publié par Mylène SACKSICK