C'est un retour aux sources pour Eric Guérin. De 8 à 25 ans, le cuisinier a vécu dans les environs de Giverny (27). "C'est comme si j'avais laissé une plume", confie-t-il. Une plume qu'il a retrouvée par hasard dans le jardin de cette maison anglo-normande datant de 1912. Car Eric Guérin, qui a niché en Brière en 1995, ne cherchait pas à déloger son nid. C'est au cours d'une visite à ses parents - qui vivent toujours dans le coin - que des amis lui présentent cette demeure pouvant faire un "superbe hôtel-restaurant". Il tombe amoureux de ce "petit trésor". "Le jardin et la maison m'ont vraiment parlé, il y avait un univers comme à La Mare aux Oiseaux, un jardin avec des piverts, des écureuils…", se remémore-t-il.
Redonner vie à cette habitation
Pas question pour autant d'aller s'installer ailleurs. Il fait tout de suite appel à Nadia Socheleau, ancienne directrice de salle de La Mare aux Oiseaux de 2003 à 2007, en poste à L'Arpège, avant de s'engager dans ce nouveau projet. Elle le suit sans hésiter dans l'aventure. Pour la cuisine, il pense à Joachim Salliot, passé par les cuisines de La Mare aux Oiseaux également. Ainsi, se lance-t-il dans le projet de redonner vie à cette habitation mourante, avec ces deux anciens. S'ensuivent plusieurs mois de galères pour trouver le financement qui se chiffre à 2,4 M€. Enfin, en janvier 2012, un an après sa première visite, il en devient le propriétaire. Les travaux démarrent en mai, suivis de près par le père et la mère d'Eric, Michèle, qui a signé la décoration. L'inauguration officielle a lieu le 1er novembre dernier.
"La Mare aux Oiseaux, c'est vraiment mon nid, ma maison… avec un univers très personnel. Le Jardin des Plumes, c'est ma vision aujourd'hui du restaurant. Plus pur dans l'histoire, le travail, la décoration, la cuisine. C'est une poésie, une migration, une nouvelle écriture…" Avec Eric, la demeure reprend vie, transformée en petit hôtel-restaurant. Un restaurant d'une quarantaine de couverts, couplé à un hôtel de huit chambres, dont quatre suites (de 180 à 320 €). Suivant l'état d'esprit de La Mare aux Oiseaux, le tout est aménagé comme une véritable maison de famille - carreaux de ciment d'origine, cheminée dans la salle, meubles chinés… "On a voulu gardé l'esprit 1900-1930 en conservant quelques détails d'origine, explique le chef étoilé. Je ne voulais pas dupliquer La Mare aux Oiseaux, mais donner un coup de jeunisme à celle-ci." L'ancien côtoie le moderne. Les couleurs bleu paon, chamois, crème, taupe, doré, imprègnent l'atmosphère et créent un univers de maison et non d'hôtel.
Faire les choses avec simplicité
"Le but est de venir le moins possible, je voulais donner un moyen d'expression à des anciens", précise le chef entrepreneur qui ne s'en cache pas. Le Jardin des Plumes est avant tout la maison de Nadia Socheleau et Joachim Solliot, respectivement directrice et chef de l'établissement. "Après trois ans à L'Arpège, j'avais envie d'aller au-delà. L'aventure m'a tenté, d'autant que j'aime travailler dans des lieux où il y a une âme", s'explique Nadia. De son côté, Joachim, ancien de chez Alexandre Couillon et Philippe Vételé, connaît la palette culinaire d'Eric pour avoir travaillé dans ses cuisines et s'en inspire pour créer la carte et les menus. "Je lui laisse sa liberté, je veux qu'il exprime sa jeunesse, ses idées nouvelles… ensuite je valide", soutient le chef.
En salle, Nadia fait les choses avec simplicité tout en veillant à ce que les gens ne manquent de rien. Grâce à quelques petites astuces - le pain directement sur la table, le fait d'avoir un seul couteau à table qui accompagne les clients tout au long du repas -, elle simplifie le service afin de permettre au personnel de se concentrer sur l'assiette. Laquelle met en scène une cuisine inspirée par les produits du terroir normand. Exemples ? Noix de saint jacques, lard fumé et mousseline de panais, poulet vallée d'Auge, crème paysanne et pomme calvados… Alors qu'il ne se passait rien au niveau hôtellerie et gastronomie depuis belle lurette à Giverny, l'activité démarre très bien. "Nous avons beaucoup de clients qui reviennent, trois, quatre, cinq fois", apprécie Nadia, dont le but est de faire vivre cette demeure à l'année et de rester ouvert, même l'hiver.
Publié par Julie GERBET