L'idée du projet 'Un job presque parfait' est née d'un paradoxe. Alors que le chômage des jeunes de moins des 25 ans atteint 25 %, les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration affichent des besoins récurrents et peineraient à recruter. Selon les derniers chiffres du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) et de Pôle emploi, ils constituent en effet le premier vivier de recrutement en France avec des intentions d'embauche de 14 %. En pleine crise de l'emploi, cette situation contrastée a interpellé la Jeune Chambre économique (JCE) de Paris, une association de jeunes cadres désireux de s'investir dans des actions citoyennes, et le comité régional du tourisme (CRT) d'Île-de-France.
"L'Île-de-France est la première destination mondiale de tourisme d'affaires. L'emploi et l'évolution des compétences dans ce secteur représentent donc un enjeu fort", confirme Tania Brun, responsable métiers, emploi et formation du CRT. Les bénévoles de la JCE de Paris ont donc décidé de se pencher sur cette question épineuse."Après avoir confirmé l'existence des opportunités d'emploi dans le secteur des cafés, hôtels, restaurants, nous avons lancé un plan d'action en janvier 2013", précise Cristina Turiel, chargée de communication de la JCE. La Mission locale de Paris, une association qui aide et accompagne des jeunes de 18 à 25 ans sans qualification dans leur recherche d'emploi, a ainsi sélectionné une quinzaine de jeunes motivés et intéressés par ces métiers. Pour ces exclus du système scolaire, le monde de l'hôtellerie-restauration offre souvent une deuxième chance d'insertion et d'évolution professionnelle. Pour autant, la rencontre et le dialogue entre ces jeunes et les recruteurs n'est pas toujours facile. "Se confronter à un employeur potentiel est une étape délicate", explique Cécile Ducros, de la Mission locale de Paris.
Le projet 'Un job presque parfait' se donne justement pour objectif de favoriser les rencontres, valoriser les métiers et de comprendre les éventuels freins à l'embauche. Pour cela, l'équipe d'une dizaine de bénévoles de la JCE de Paris a choisi d'aller sur le terrain. En quelques mois, ils ont écumé quatorze quartiers de la capitale en faisant du porte à porte pendant 54 heures, rencontré plus de 250 restaurateurs et organisé quatre mini-salons de l'emploi dans des établissements prêts à les accueillir pour une discussion autour de leurs métiers. De cette immersion, ils ont tiré quelques constats forts et ouvert des pistes de réflexion.
Des patrons démunis et des jeunes mal préparés
Les bénévoles de la JCE de Paris ont analysé cette expérience avec un regard neuf et ont relevé les principales difficultés rencontrées par les patrons de petits établissements. La plupart d'entre eux ont insisté sur la mauvaise conjoncture économique, leur charge de travail et une certaine méconnaissance, de la part des jeunes, des contraintes et des réalités du métier. Par ailleurs, leurs besoins en recrutement répondent très souvent à une problématique de turn-over, structurellement fort dans le secteur. Cette instabilité de l'emploi s'explique par un manque d'anticipation et de temps pour recruter, fidéliser et former leur personnel, par les contraintes horaires et les rythmes de travail intenses mais aussi par un conflit générationnel qui génère des incompréhensions. En effet, les jeunes d'aujourd'hui, souvent appelés la génération Y, attachent beaucoup d'importance au sens du travail et à la reconnaissance. Or, le style de management de l'hôtellerie-restauration n'est, de ce point de vue, pas toujours adapté. Du côté des jeunes, la découverte des métiers a été positive pour la plupart. Ils ont la farouche volonté de trouver un poste et de se former sans que la rémunération ne soit leur moteur principal. Les quatre mini-salons de l'emploi, organisés chez des restaurateurs, leur ont permis de mieux comprendre les attentes des recruteurs et d'un monde professionnel qu'ils appréhendaient mal.
Des solutions pour un marché dynamique et ouvert aux jeunes
Même si certains jeunes ont, grâce à cette initiative, réussi à décrocher un stage, un CDD ou - pour deux d'entre eux - un CDI, les résultats du projet 'Un job presque parfait' ont été décevants. Les organisateurs en attendaient davantage. Mais l'arrivée du Groupe Flo, intéressé par cette opération de charme à destination des jeunes sans qualification et capable de les former, a ouvert des perspectives. Et, surtout, cette expérience aura permis de soulever des questions et de réfléchir à des solutions. Pour certains observateurs, une méthodologie simple de recrutement, d'intégration et de management permettrait de stabiliser l'emploi dans les petits établissements. Pour d'autres, il faut communiquer davantage auprès des jeunes pour les sensibiliser aux métiers de l'hôtellerie-restauration ou encore inventer un pacte moral entre un employeur et sa nouvelle recrue afin d'établir une relation de confiance. Du côté des institutionnels comme le CRT ou le conseil général, on a conscience qu'il faut aider les employeurs en menant des études sur les nouveaux besoins en compétences, en créant des dispositifs de formation adaptés et des passerelles entre les différents métiers du tourisme. D'autres vantent les mérites des contrats aidés comme les contrats de génération. Tous sont convaincus des formidables opportunités pour l'emploi du secteur.
Publié par Valérie Meursault