En 2013, les enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont relevé un taux d'anomalie de 44,4 % concernant les avis de consommateurs publiés sur internet. Ces anomalies concernent tous les secteurs d'activité (automobile, électroménager, mobilier, habillement, services). En 2010, ce taux s'élevait à 28,8 %, soit une augmentation de plus de 55 % en trois ans. Depuis cette date, 139 établissements ont été visités, donnant lieu à 17 avertissements et 23 procès-verbaux.
La modération biaisée des avis
Cette pratique, très répandue selon la DGCCRF, consiste à supprimer tout ou partie des avis de consommateur négatifs au profit des positifs. Dans quelques cas, la modération est systématiquement biaisée, c'est-à-dire que seuls les avis clairement positifs sont conservés. La DGCCRF indique qu'un acteur majeur du commerce en ligne de pièces détachées pour automobile a été verbalisé en ce sens (sans préciser son nom).
Traitement différencié
Autre pratique condamnable, traiter les avis avec des délais différents : la publication des avis positifs est rapide tandis que celles des avis négatifs est différée. La présentation est trompeuse puisqu'elle fait apparaître une majorité d'avis positifs parmi les plus récents.
Autre anomalie constatée : des gestionnaires chargés de traiter les commentaires vont considérer que tout avis négatif doit être traité comme un litige entre le consommateur et le marchand. Un dispositif de médiation est mis en place et lorsque la procédure aboutit, l'avis négatif est retiré. Pour la DGCCRF, cette pratique trompe l'internaute car il ignore qu'une partie des transactions a donné lieu à des médiations. Ce type d'intervention est problématique car le consommateur mécontent cherchera avant tout à résoudre son insatisfaction personnelle et renoncera plus facilement à l'expression de son mécontentement en échange d'une solution acceptable (échange de produit, par exemple).
Rédiger de faux avis
La pratique la plus répréhensible consiste en la rédaction de faux avis. Il s'agit, rappelle la DGCCRF, d'une publicité déguisée donc trompeuse. Plusieurs méthodes ont été relevées.
- Pour promouvoir son produit ou un service, le gestionnaire d'un site ou un professionnel n'ayant pas nécessairement de site et son entourage vont créer eux-mêmes du contenu, présenté comme des avis de consommateur.
- Le recours à un prestataire de service qui dépose un grand nombre d'avis sur des supports variés pour une plus grande efficacité : réseaux sociaux, forums de discussion…
- La méthode utilisée peut être plus insidieuse. La DGCCRF mentionne un site internet à forte audience comportant de très nombreux commentaires. Par le biais d'un jeu-concours interne avec gains à la clé, l'entreprise a sollicité son personnel pour rédiger des avis concernant des professionnels, dont une grande majorité étaient clients du site. Ils ont été ensuite complétés par des vrais avis de consommateur.
- Sur demande d'un professionnel, un blogueur publie un billet pour présenter le produit ou le service en échange d'une contrepartie. Mais l'auteur du blog ne mentionne pas qu'il a été dédommagé pour cet avis. Une pratique commerciale que la DGCCRF qualifie de déloyale.
Revendication mensongère de la norme Afnor
Le 4 juillet 2013, l'Afnor a publié la norme NF Z74-501 relative aux avis en ligne. Ce document définit les principes et les exigences de collecte, de modération et de restitution d'avis de consommateurs de produits et de services sur internet.
Cette norme est d'application volontaire. Il suffit au professionnel de se procurer la norme sur le site de l'Afnor et mettre son site en conformité avec ces exigences. Il a la possibilité de déclarer respecter cette norme, sans aucun contrôle extérieur. Le site engage sa responsabilité et doit prouver lui-même sa conformité en cas de la demande de la part des autorités. Il est aussi possible de faire appel à un organisme de certification indépendant pour vérifier la conformité et en attester.
Les enquêteurs de la DGGCRF ont constaté que des gestionnaires de sites internet se sont auto-déclarés conformes à cette norme alors que les pratiques des entreprises ne l'étaient pas. L'Afnor rappelle qu'en cas d'utilisation abusive de la norme, le code de la consommation sanctionne ce type de pratique commerciale trompeuse par une amende de 37 500 € maximum pour une personne physique et de 187 500 € pour une personne morale, avec la possibilité pour le tribunal d'ordonner la cessation des pratiques commerciales et la publication du jugement.
Des pratiques condamnées
Depuis le premier trimestre 2014, les enquêteurs des fraudes ont renforcé leurs actions contre les faux avis de consommateurs. En juin 2014, ils ont pratiqué une opération de visite et de saisie chez un prestataire de services français afin d'y rechercher des preuves de rédaction de faux avis de consommateurs pour le compte de différentes sociétés clientes.
Dans une autre affaire, le tribunal de grande instance de Paris a condamné, le 20 juin dernier, une société gestionnaire d'un site d'avis se présentant comme un "guide des bonnes adresses" à 7 000 € d'amende, son gérant à 3 000 € d'amende, ainsi qu'à la publication d'un communiqué sur le site internet pour pratiques commerciales trompeuses. Ce site publiait de faux avis de consommateurs rédigés pour partie par une société domiciliée à Madagascar et pour une autre partie par le gérant et son entourage.
Une norme internationale en préparation
La norme NF Z74-501 est la première au monde relative au traitement des avis de consommateurs en ligne. Il existe un projet de norme internationale sur l'e-réputation qui comprendra un volet avis en ligne. La DGCCRF a été consultée et a précisé qu'elle y participera activement. Deux demandes de coopération ont été lancées dans le cadre du règlement 2006-2004 pour que des interventions soient menées par les services compétents dans les pays de l'Union européenne concernés.
Publié par Pascale CARBILLET
samedi 16 août 2014