Transformer un immeuble de bureaux en hôtel, une formule gagnante ?

Mieux que de résister à la crise, le parc hôtelier parisien peine satisfaire la demande, preuve de l'incontestable attraction qu'exerce la Ville lumière. D'après le schéma hôtelier, il y aurait une pénurie de 4 000 chambres dans la capitale. Mais la place manque pour créer ces établissements en neuf. La reconversion d'immeubles en hôtels semble être la nouvelle mode.

Publié le 03 octobre 2012 à 18:43

À Paris, de plus en plus d'hôtels emblématiques naissent de la transformation de bureaux ou établissements privés : le Mandarin Oriental (Ier) est ainsi niché dans une ancienne banque réinterprétée par Jean-Michel Willmotte ; le bien nommé Banke Hotel (IXe) est lui aussi situé dans l'ancien siège d'une banque ; le futur 123 Sébastopol a pris place dans un immeuble commercial et de bureaux, etc. "Il existe 16 millions de mètres carrés de bureaux à Paris, dont la moitié se situe dans le quartier central d'affaires, estime-t-on à l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Certains arrondissements se vident de leurs occupants et laissent des bâtiments de bureaux entièrement désertés. C'est le cas dans les VIIe, XVe et Xe arrondissements. Il existe enfin des arrondissements en pleine mutation, comme les XIXe et XXe, qui peuvent aussi offrir des surfaces intéressantes." Le Mama Shelter (XXe) est en effet une réussite du genre.

Pour Thierry Dourdet, directeur chez Pitch Promotion, promoteur immobilier dont une partie de l'activité est consacrée à la rénovation de bâtiments en hôtels, la raison de cet engouement est simple : "Dans le cadre de la rénovation d'immeubles de bureaux, on peut partir sur trois options. Tout d'abord, reconvertir en bureaux : c'est périlleux car 70 % des transactions de bureaux se font sur des immeubles neufs, d'autant plus que les financements deviennent plus serrés et qu'il y a aujourd'hui un stock de bureaux vides important à Paris. Reconvertir en logements : une solution qui n'est pas adapté partout, dans la mesure où 25 % de la surface d'après la loi, doit être réalisée en logements sociaux. Reste alors la possibilité pour le promoteur de rénover en hôtels." À Paris, où la demande de chambres est supérieure à l'offre, la solution semble idéale.

Prise de risque

Pourtant, cette option, alléchante sur le papier, n'est pas aussi évidente à mettre en oeuvre qu'il n'y paraît. D'après Jean-Marc Andréola, fondateur de la société de conseil en immobilier hôtelier Imhotel, les opérations de conversion d'immeubles de bureaux en hôtels sont, en effet, très complexes. La durée du chantier est l'un des points-clé dans ce type d'opération. Quatre ans au minimum sont nécessaires pour faire aboutir un tel projet : les démarches administratives préalables (l'instruction et l'obtention du permis de construire, la purge des recours, les éventuelles modifications du permis, etc.), nécessitent à elles seules deux années en moyenne. Puis, la construction va prendre elle aussi deux ans. "L'investisseur doit prendre le risque de réaliser le projet sans savoir s'il sera mené à son terme, soit pour des raisons de construction, soit pour des problèmes administratifs ou financiers", explique le directeur d'Imhotel.

Mais pour celui qui accepte le challenge, l'avantage est évident : "Il y a une demande forte pour des hôtels bien placés et innovants", assure Thierry Dourdet. Pour Jean-Marc Andréola, "transformer un immeuble de bureaux en hôtel permet, suivant l'obtention d'un rescrit fiscal, de récupérer en amortissement une partie de son investissement. Par ailleurs, ces hôtels quasi neufs sont conçus dans des matériaux nouveaux avec des règles de construction optimales et possèdent une garantie décennale qui va leur permettre de ne pas envisager la réalisation de travaux lourds pendant de nombreuses années. Enfin, la réalisation d'un tel projet hôtelier permet la création d'un fonds de commerce". Une opinion partagée par Gwenola Donet, directrice de Jones Lang LaSalle Hotels France, à ceci près que "pour obtenir un retour rapide de l'investissement, il faut obligatoirement viser dans le plus haut de gamme, car les coûts de construction sont plus élevés".

Tout le monde n'a pas le profil

Mais malgré ces nombreux avantages, ce type d'investissement est réservé à peu d'acquéreurs. Les investisseurs étrangers désireux d'investir sur Paris pour l'image, indépendamment de toute notion de rentabilité, visent plutôt des opérations de type palaces. Les fonds d'investissement nationaux ou internationaux, pour leur part, ne sont pas non plus en première ligne sur ce type d'actifs car leur modèle économique réclame une rentabilité immédiate qu'ils ne pourront pas leur donner. Seuls les investisseurs nationaux, qui possèdent un montant de fonds propres important, et qui peuvent, compte tenu du nombre d'actifs qu'ils possèdent et de la connaissance du marché qu'ils ont, se permettre de prendre le risque de la transformation, pourront être intéressés. Pour le patron d'Imhotel, "ce type d'investissement ne peut convenir qu'à une poignée d'investisseurs exploitants. Ils possèdent le sens de la prise de risque et sont prêts à s'engager sur la durée".

Toujours est-il que les projets s'enchaînent : transformation d'une ancienne centrale EDF (XVIe), d'un centre de France Télécom (VIIe), de la poste du Louvre (Ier) partiellement en hôtel, de la Samaritaine (Ier) et retour du projet de reconversion des anciens bureaux de la préfecture de la tour Morland (IVe) en un ensemble mixte mi-logement, mi-hôtel de luxe.


Publié par Évelyne de Bast



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