Les professionnels sont inquiets. Une remontée de TVA est-elle d'actualité ?
Roland Héguy : Un vrai danger se profile. La profession est de nouveau stigmatisée par des attaques inquiétantes. C'est particulièrement le cas sur la TVA où nous devons absolument rétablir la vérité. Les politiques reparlent du coût de cette mesure sans évoquer ce qu'elle a rapporté à l'Etat. Les différentes études qui ont été lancées en 2012 ont montré les effets positifs de la mesure sur l'emploi et les finances publiques. Aujourd'hui, personne ne les a contredits. En recettes directes et indirectes, l'Etat a récupéré 2 milliards d'euros, notamment grâce aux effets induits C'est toute la chaîne, tous les fournisseurs qui sont concernés. Nous savons également que 110 000 emplois ont été créés ou sauvés. Autant d'économies sur les indemnisations chômage. Quand on sait que la priorité est la lutte contre le chômage, je crois qu'on peut dire que la mesure a démontré son efficacité. Enfin, le passage à 7% a permis à l'Etat d'accroître ses recettes puisque, désormais, toutes les formes de restauration sont à ce même taux. Ajoutez à cela tout ce que nous avons consenti en faveur de nos salariés. Tout cela, comptez sur nous pour le démontrer lors de nos prochains rendez-vous avec les politiques. Le président de la République voulait un discours de vérité, il ne sera pas déçu par la profession.
Vous pensez réellement qu'une remontée du taux jouerait sur l'emploi ?
R. H. : Immanquablement. Beaucoup d'entreprises sont fragiles, si le taux de TVA remontait, la rentabilité des entreprises se dégraderait, beaucoup d'entre elles disparaîtraient avec des dizaines de milliers de suppression d'emplois à la clé. Je ne pense pas que le Gouvernement veuille cela. N'oubliez pas que si le taux de TVA remontait, la prime TVA tomberait. Ce sont les salariés qui seront les premières victimes de toutes ces mesures. C'est déjà ce qui se passe avec la fin de l'exonération des heures supplémentaires et la fin du dispositif « zéro-charge » pour les TPE. Nous avons faits des efforts considérables sur la convention collective, c'est bien sûr pour améliorer la condition de nos salariés et pour les fidéliser. Face à tous ces dangers, je suis sûr que nous pouvons compter sur l'appui et le soutien des syndicats de salariés. Ils sont tout aussi concernés que nous. La menace sur l'emploi et le pouvoir d'achat est réelle.
Quelles sont les solutions au problème ?
R. H. : Avant tout, créer un environnement favorable. Le tourisme est un de nos rares moteurs de croissance, il pourrait doper le PIB si une politique volontariste était mise en place avec l'ensemble des acteurs. Au lieu de cela, depuis longtemps, certains veulent nous pénaliser. L'hôtellerie subit déjà une concentration de contraintes réglementaires très lourdes : incendie, accessibilité, développement durable. On nous en demande toujours plus alors qu'aucun secteur économique ne peut se développer sans stabilité. Pour notre restauration c'est pareil, elle s'est engagée dans la voie de la qualité avec le label Maitres Restaurateurs qu'il faut continuer de promouvoir. Les CHRD jouent un rôle important en termes d'aménagement du territoire. Leur activité est transversale et s'appuie sur des secteurs comme l'agriculture et de nombreuses industries locales et artisanales. Il est de notre devoir de sauver et d'accompagner les 5000 hôtels qui n'entreront jamais dans le nouveau classement hôtelier, en imaginant, pourquoi pas, un outil « multi services », qui puisse selon leurs emplacements répondre efficacement à la demande des touristes et des locaux. Il faut engager, dès maintenant, avec Madame Sylvia PINEL, une vraie réflexion pour sauvegarder l'aménagement du territoire.
Le nouveau classement hôtelier est en vigueur. Votre sentiment ?
R. H. : L'ancien classement datait de 1986. Il était obligatoire et ne correspondait pas à la réalité du marché. La société a changé. Ce nouveau classement est volontaire et il est fait pour tirer la qualité de l'hôtellerie vers le haut. Avant, on pouvait être 'zéro étoile', ce qui est une notion extrêmement négative. Aujourd'hui on s'intéresse à la modernisation des équipements, aux services, à l'accueil, à l'environnement. En 1986, on ne parlait pas de tout ça. L'hôtellerie indépendante y gagne car elle s'inscrit dans un mouvement qui lui offre une vraie lisibilité à l'échelon français, européen et international.
Comment voyez-vous la rentrée ?
R. H. : Juillet se termine avec des résultats très disparates et surtout de mauvais chiffres pour la restauration, surtout en province. La crise, la baisse du pouvoir d'achat et une météo capricieuse ont fragilisé encore davantage le secteur. La rentrée risque d'être encore plus difficile. Tout ce qui se prépare risque malheureusement de favoriser le para-commercialisme par le développement du travail au noir. L'industrie automobile, la téléphonie, les transports, détruisent des emplois. Contraindre et compresser l'hôtellerie et la restauration qui ne délocalisent pas et qui ont embauché malgré la crise, c'est tout simplement affaiblir notre économie. Veut-on vraiment se tirer une balle dans le pied ? Je serai auditionné la semaine prochaine par Monsieur Thomas THEVENOUD, rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui conduit une mission d'information sur l'impact du taux réduit de TVA dans le secteur de la restauration. Je rappellerai que les CHRD sont essentiels à l'emploi, à l'équilibre du territoire et de la société.
La distribution électronique est un dossier sensible. La position de l'Umih ?
R. H. : Nous avons engagé depuis le début du mois de juillet une politique de rencontre avec tous les sites. Récemment, Booking a opéré une modification administrative et les gens se sont inquiétés. Après une étude approfondie, il s'agit d'une simple migration administrative dont les raisons sont internes à la société et cela ne modifie en rien les conditions contractuelles. L'Umih reste mobilisée pour obtenir un rétablissement des conditions équitables et loyales dans les pratiques commerciales entre les hôteliers et les acteurs de la distribution électronique. Nous participons activement depuis le début de l'année aux travaux de l'AFNOR portant sur la création d'une norme NF destinée à rendre fiable les sites internet d'avis de consommateurs. En juin, avec les autres organisations syndicales, nous avons saisi la Commission d'examen des pratiques commerciales afin de faire annuler les clauses abusives des contrats conclus par nos adhérents avec les principaux distributeurs en ligne. Et nous participons activement aux travaux de la 'force opérationnelle' sur la distribution en ligne mise en place à Bruxelles et qui devrait nous permettre de mettre en oeuvre des actions européennes.
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes