"La France est le troisième pays où les dépressions liées au travail sont les plus nombreuses". C'est l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui le dit. Un constat sans appel, qui a incité le syndicat CFE-CGC à créer un Baromètre stress destiné à mesurer l'ampleur du phénomène. Résultat : en juin 2011, 71% des salariés se disent "tendus" ou "crispés" à cause de leur travail ; 55 % se sentent découragés, 48 % se sentent mal jugés au sein de leur entreprise et 51 % se plaignent d'être confrontés "à des clients agressifs". Ces chiffres concernent tous les univers professionnels, à commencer par le secteur de l'hôtellerie-restauration, où, dès leur apprentissage, les jeunes évoquent la "violence" et le "stress" de leur premier coup de feu en cuisine.
"Le stress est longtemps resté un sujet tabou", observe à juste titre Nathalie Montargot. La responsable de la licence professionnelle Direction des services d'hébergement en hôtellerie internationale au sein de l'université de Cergy-Pontoise (95) a alors proposé à ses élèves de plancher sur le thème du stress au travail dans l'hôtellerie. Ainsi, le 27 janvier dernier, la trentaine d'étudiants de la licence ont organisé une table ronde à laquelle étaient conviés professionnels de l'hôtellerie et spécialistes en santé publique. Ensemble, ils ont passé en revue les principales causes du stress et proposé quelques "bonnes pratiques" pour poser les bases d'un "management du mieux-vivre en entreprise hôtelière".
Indicateurs de tension
"Dans l'hôtellerie, on ne recense pas de postes plus exposés au stress que d'autres", a d'emblée souligné Agnès Fernandez, contrôleur de sécurité à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France (Cramif). Avis partagé par Xavier Le Ru : "le plongeur comme la femme de chambre et le manager peuvent se retrouver en situation de stress", a reconnu le directeur général du Radisson Blu Ambassador Paris Opéra. Spécialiste de la prévention des risques professionnels, Agnès Fernandez a, en outre, expliqué que "le niveau de reconnaissance des salariés et leur marge d'autonomie au sein de l'hôtel" sont quelques-uns des indicateurs de stress. À titre d'exemple, "plus la marge de manoeuvre d'un salarié est réduite, plus celui-ci peut être confronté au stress". "Le turnover, l'absentéisme et les plaintes pour harcèlement sont également des indicateurs", a-t-elle poursuivi. À cette liste, Victoire de La Motte, assistante du chef de réception au Pullman Montparnasse, ajoute le sous-effectif : "Si on peut minimiser les aléas pour que le travail soit le plus fluide possible, en revanche le manque d'effectifs engendre des journées très chargées." Voire trop chargées, donc source de stress.
Quelles sont les solutions ? "Si vous prenez soin de vos associés, ils prendront soin de vos clients. En citant ainsi le fondateur du groupe Marriott, le directeur des opérations de l'hôtel Renaissance La Défense Thibaut Petit a souligné l'importance d'avoir "des équipes soudées". "Une fois par an, nous faisons un sondage auprès des salariés du Renaissance La Défense, afin de savoir comment ils se sentent dans leur hôtel", a-t-il détaillé. L'écoute, l'échange, le dialogue, la confiance sont, en effet, autant de valeurs qui peuvent éviter toute tension et stress inutile. Surtout à l'heure où 42 % des salariés français se sentent en situation de concurrence avec leurs collègues, selon le Baromètre stress de la CFE-CGC. "Face au stress et à la souffrance au travail, il faut chercher des solutions au sein d'une même équipe. Car travailler ensemble, c'est aussi pouvoir parler de ses difficultés du quotidien", a suggéré l'ergonome Nathalie Chiosi.
Rassurer et former les jeunes recrues
Soucieux, de son côté, du stress que peuvent ressentir les jeunes recrues à leur arrivée dans un hôtel, Thibaut Petit a pris le parti de "les rassurer et les former". Avis partagé par Jean-Damien Marlot, DRH du Westin Paris : "la non-maîtrise de son poste et de son environnement est un facteur de stress évident". Et la situation empire dès lors que "les bons outils pour travailler font défaut", a renchéri Nathalie Chiosi : "le bien-être sur le lieu de travail passe par un poste adapté au profil du salarié et par les moyens mis à sa disposition pour qu'il soit efficace".
Actuellement, en France, 50 % des arrêts maladies seraient liés au stress, selon la CFE-CGC. Un pourcentage qui suscite des initiatives originales. Le coach Denis Amsellem prône notamment "la psychologie du bonheur" : "il faut mettre en avant les réussites des salariés et reconnaître la culture du droit à l'erreur". Quant à Damien Marlot, il vante les bienfaits de la formation 'Canaliser ses émotions', prodiguée au Westin. "On demande aux salariés de venir en tenue décontractée avec une serviette de bain. Et pour cause : cette formation comporte une séance de yoga."
Publié par Anne EVEILLARD