Stéphan Martinez est, avec son frère, le propriétaire du restaurant Le petit Choiseul. Il est également le fondateur de Moulinot Compost et Biogaz et le vice-président développement durable du Synhorcat. Avec une remarquable conscience écologique, il est un pionnier de la valorisation des déchets organiques dans la restauration parisienne.
Il appartient à la troisième génération de restaurateurs dont la marque de fabrique est de ne proposer que des plats traditionnels fait maison. Après avoir aidé dans le restaurant familial il a repris avec son frère le Bistrot Bourdelle, puis l'Auberge Saint Roch et depuis deux ans Le petit Choiseul.
À l'arrivée dans ce restaurant ils découvrent une facture d'eau d'un montant de 13 000 € et une seule poubelle. Pour donner plus de sens à leur activité, ils donnent le mobilier existant à des associations caritatives et s'équipent avec du mobilier d'occasion. Sont installés un éclairage avec des lampes leds et des mousseurs sur les robinets. Enfin, ils mettent en place le tri des déchets : verre, cartons, ordures ménagères résiduelles et bac à déchets organiques.
Des produits de qualité, locaux, de saison, issus de filières durables
Les propriétaires s'approvisionnent à Rungis (94) où ils prennent un maximum de produits de saison. Le vendredi c'est le poisson. Ils préfèrent depuis dix ans le bar d'élevage au thon ou à l'espadon.
Pour la viande, les deux frères choisissent du boeuf de Salers. Les oeufs sont bio. Ils proposent deux fromages : du roquefort et de la brebis d'Ossau Iraty. Ils recyclent le pain en préparant des salades de chèvre chaud ou du pain perdu en dessert du jour. Les desserts sont maison. Pour quelques produits malgré tout il n'y a pas de possibilité d'approvisionnement local, ainsi les pois gourmands viennent du Sénégal.
Un pionnier de la valorisation des déchets
Stephan Martinez est le premier restaurateur à valoriser les déchets organiques avec des vers de terre dès 2007, selon le principe que : ce qui vient de la terre y retourne.
Il a créé la Moulibox, outil pédagogique qui contenait 150 vers de terre et 500 gr de terreau. Il a vendu plus de 3 500 boites et présenté cette boite dans 200 écoles. Puis en 2013, il a créé Moulinot Compost et Biogaz, société de tri, collecte et traitement des bio-déchets.
Depuis février 2014 il a, avec le Synhorcat, lancé une opération pilote sur la réduction de ce qu'il appelle : les pertes alimentaires secondaires par le tri des déchets organiques et leur valorisation.
80 restaurants impliqués dans le projet
Avec le Synhorcat, ce sont 80 restaurants pilotes à Paris qui se sont impliqués, ils trient leurs déchets, leurs bio déchets sont collectés et acheminés vers une plateforme de transfert à Saint Denis (93) puis valorisés. Tous les types de restaurants ont été concernés : des bars, brasseries, cafés, des restaurants traditionnels, de la vente à emporter, des restaurants étoilés (Taillevent, Lasserre), des hôtels-restaurants et des traiteurs.
Les restaurants au centre de Paris qui ont étés concernés par cette action disposent tous de très peu d'espace et manquent de locaux, c'est pourquoi il est important que la collecte soit quotidienne.
La nouvelle loi de valorisation des déchets alimentaires, entrée en application en 2012, concernera chaque année de plus en plus de restaurateurs, jusqu'en 2016. Le palier est progressif, il concernera à terme les restaurants qui font 150 à 200 couverts par jour et rendra obligatoire la valorisation de leurs déchets organiques.
Mieux apprécier les quantités en jeu
Stephan Martinez explique qu'"Il s'agit pour nous de retrouver un cercle vertueux. Nous nous approvisionnons avec de beaux produits, nous collectons les déchets pour en faire du méthane ou du compost qui sert comme amendement pour produire de beaux légumes et de la bonne herbe pour le bétail. Actuellement, 70 % des déchets sont incinérés et 7 % sont enfouis. Lorsque l'on incinère le coût de traitement est de 115 € la tonne. Lors de cette action pilote, il a été collecté 584 tonnes avec seulement 2 % d'erreurs de tri. Avec une subvention de 57 300 € pour 584 tonnes nous avons fait faire un gain de 15 000 € à la mairie de Paris. Nous avons un retour assiette très faible, seulement 2 % contre 42 % en moyenne dans la profession. Nos déchets proviennent plus de la production parce que nous fabriquons nos plats. Ce sont des épluchures, des parures de viandes et ce que j'appelle des matières premières non réutilisables. La collecte et le pesage sont quotidiens, soit 200 à 210 gr par assiette".
Un dispositif très léger
"Cette action n'a nécessité que la mise en place d'un dispositif très léger et bien accepté par les équipes pour trier nos déchets organiques. Nous utilisons des poubelles à fond sphérique pour des raisons d'hygiène, cela évite l'accumulation de bactéries. Nous avons installé des petits contenants, un en cuisine, un au bar et un en salle. Dans la mise en place de ce dispositif nous sommes passés aux sacs transparents, une petite innovation qui a des effets puissants. En effet, cela donne une nouvelle vision avec les pesées journalières, ça permet d'observer ce que l'on jette et déclenche une modification des comportements".
Pour les restaurateurs impliqués dans cette action, un site internet avec l'ensemble des données de collecte à partir de la pesée embarquée par restaurant permet aux restaurateurs d'avoir un indicateur des pertes alimentaires, facilitant le suivi et leur maîtrise en disposant de tous les éléments administratifs sur leur gestion déchets en un clic.
Publié par Jean-Luc Fessard, Transition Verte et Bleue, Auteur du Blog des Experts