Il n'y a pas eu de communiqué, seulement une annonce discrète, transmise par le bouche-à-oreille au gré des restaurants et coursives de Roland-Garros pendant le tournoi 2016. Marie Soria est désormais Chef des cuisines de Potel & Chabot. Elle succède à Jean-Pierre Biffi, son mentor depuis ses débuts. « Je suis née chez Potel &Chabot » aime-t-elle dire. Son intérêt pour la cuisine remonte à l'enfance. « En famille, nous allions en vacances chez Michel Guérard, à Eugénie-les-Bains. J'étais admirative du ballet offert par ces toques blanches. La précision, le rythme, le timing quand je les regardais faire en cuisine. C'était très théâtral. ». Chez elle, à Quimper (29), ses passe-temps sont les chevaux, la musique et la confection de desserts. « On m'avait acheté un livre de recettes et j'adorais ces moments de partage avec mes parents qui goûtaient, me donnaient leur avis ». A l'heure des études, l'adolescente choisie la voie professionnelle : CAP Cuisine, Mention complémentaire pâtisserie et CAP Poissonnerie : la seule fille ou presque selon les classes. Diplômes en poche, elle démarre chez des traiteurs. « Au bout de deux ans, j'étais devenue responsable mais j'avais l'impression de tourner en rond. Je prenais en photo tout ce que je faisais et j'avais constitué un book. Un maître d'hôtel de passage m'a conseillé de frapper à la porte de Potel & Chabot, à Paris. Je l'ai fait.» Elle obtient un stage de six mois. Le début du bonheur... Mais le retour au pays est prévu à l'agenda. « J'avais du travail mais l'esprit Potel & Chabot m'a très vite manqué. Je me souviendrai toujours quand Jean-Pierre Biffi m'a appelée pour me demander comment j'allais. J'ai répondu : mal ! » Le Magret de canard au cassis n'est plus pour elle, ou peut-être plus tard, revisité.
Du pavillon d'Armenonville à Roland-Garros
Jean-Pierre Biffi lui propose d'intégrer la Maison. Nous sommes en 1992, elle a
21 ans. « Il n'y a pas un métier
chez Potel & Chabot, mais plusieurs pôles. J'ai été au garde-manger, à la
préparation, en extérieur, à l'événementiel pur. L'atelier décoration joue un
rôle très fort. Par la scénographie, la mise en oeuvre ou l'articulation de l'événement,
Jean-Pierre Biffi a donné une dimension unique à l'univers traiteur. Intransigeant
sur la qualité des produits, il a toujours su guider, innover tout en laissant
la créativité de chacun s'exprimer. » Une alchimie qui permet à l'infatigable
bosseuse qu'elle est, de faire partie en quelques années de la garde rapprochée
du chef, lui-même énorme bosseur. Elle prend la responsabilité du Pavillon d'Armenonville,
jusqu'à 2000 convives dans sa version cocktail debout. En 1997, elle est
propulsée Chef aux affaires extérieures et grands événements du traiteur et en
1999, Chef du service des Loges à Roland-Garros. Une quinzaine qu'elle retrouvera désormais chaque année. L'excellence à la Française, portée par Potel
& Chabot, s'exporte au-delà des frontières. Au Qatar, à Saint-Petersbourg,
à bord de bateaux illustres sur le Nil ou la Tamise, à bord d'avions privés, à l'occasion
des Jeux Olympiques comme récemment à Rio de Janeiro… « Potel
& Chabot est présent à l'étranger, sur des manifestations toujours assez
exceptionnelles et tellement différentes. Devoir présenter des recettes à une reine vous marque ». Pour
atteindre cette perfection toujours en mouvement, le triptyque élaboré par
Jean-Pierre Biffi réside dans l'organisation « sans cesse remise sur
l'établi » : de la préparation "toujours très poussée. Tous les cas de figure sont listés, toutes les hypothèses évoquées. On laisse peu de place au hasard" aux débriefings systématiques "qui permettent d'améliorer, de revoir". Dans la confiance installée dans les équipes, entre les services. Dans un professionnalisme resté à échelle humaine, malgré l'immense
notoriété de la griffe acquise au fil des décennies. « Chaque événement
est un challenge différent. Nous savons nous installer n'importe où, dans des condition multiples. Nous avons également, et c'est important, une relation toujours très forte avec la salle, quelle que soit la forme de la prestation". Sans une bonne équipe, insiste Marie Soria, pas de salut. A ses côtés aujourd'hui pour continuer l'aventure : Jean-Pierre Ducrot,
Olivier Massot, Alain Douté, Eric Champigny, Pierre, Noël Perreau... Ou encore son compagnon dans la vie privée, le chef espagnol Francisco Bouza, qui a commencé sa carrière au sein de l'entreprise en 2000 sur Roland-Garros. Il y a dix ans, toujours à Roland-Garros, lors d'un déjeuner entre chefs, Jean-Pierre Biffi avait lancé en la désignant du regard : "j'ai trouvé mon successeur". Marie Soria avait souri, incrédule à l'époque.
Publié par Sylvie SOUBES