"J'avais 36 ans et je voulais créer ma boîte. D'emblée, j'ai su que ce serait avec mon frère François, car nous en avions parlé à maintes reprises. En revanche, le concept n'était pas arrêté et c'est notre passion pour la cuisine qui nous a inspirés, ainsi qu'un séjour à Toronto où j'ai été séduit par une boutique dédiée à la cuisine, où l'on pouvait essayer les produits avant de les acheter. C'est comme ça qu'est né L'Atelier des chefs : proposer un lieu où l'on apprend à préparer ce que l'on va déguster ensuite.
Une fois notre business plan ficelé en 2004, nous avons fait un tour de table : en mai, nous avions réuni 393 000 € grâce à 34 personnes, dont notre mère. Ensuite, tout est allé vite : mon frère et moi avons donné notre démission et nous avons amorcé une vague de travaux de 250 000 € dans nos locaux de la rue de Penthièvre, à Paris, en prévision d'une ouverture au début de l'été.
Pour booster cette ouverture, nous avons souhaité communiquer. Il a donc fallu trouver une agence de communication. Nous avons auditionné sept agences et avons retenu la plus atypique, à savoir l'agence 14 Septembre, plutôt spécialisée à l'époque dans le design et l'architecture que dans l'hôtellerie et la restauration. Mais le patron de l'agence, Laurent d'Estrées était convaincu par notre concept. Dans le même temps, nous avons dû recruter un chef, alors que nous ne connaissions personne dans le secteur. Comme nous sommes originaires de Bourges, j'ai demandé à un étoilé de la région de me conseiller. Il m'a orienté vers Jean-Sébastien Bompoil, alors cuisinier aux côtés du chef étoilé Michel Roth, au Ritz à Paris. Jean-Sébastien Bompoil nous a vus, pris pour des fous et nous a dit : "Je vous suis !" C'est le troisième associé-fondateur de L'Atelier des chefs.
"Un reportage dans Télématin a changé notre vie"
Autre coup de chance : la campagne de communication orchestrée par 14 Septembre. Fin juin et début juillet 2004, une pléiade de journalistes sont venus tester nos cours. Le 28 août, le magazine Biba publie une brève sur L'Atelier des chefs : c'était notre première parution dans la presse ! Mais c'est la venue de la journaliste de France 2, Laura Tenoudji, qui a changé notre vie. Début septembre 2004, elle prend un cours de cuisine. Elle est emballée et nous demande si elle peut revenir l'après-midi même, pour filmer un autre cours, en vue d'en faire un sujet dans l'émission Télématin. Évidemment, j'accepte, sachant que nous n'avions aucun cours réservé pour l'après-midi et que notre atelier allait être désespérément vide. Mon frère et moi sollicitons alors nos amis, pour qu'ils viennent jouer les figurants au pied levé. Le tournage se passe bien, le reportage est diffusé le 7 septembre à deux reprises dans Télématin. À partir de ce jour-là, le téléphone n'a plus arrêté de sonner. Nous avons enchaîné clients mais aussi journalistes, pendant dix-huit mois non-stop. Toute la presse s'est intéressée à nous, tantôt pour le côté cours de cuisine, tantôt pour le côté start-up, ou pour l'aspect reconversion professionnelle… Si bien que cela a dopé notre chiffre d'affaires et, dès 2007, nous avons ouvert d'autres Ateliers à Paris, Bordeaux, Lyon… Aujourd'hui, nous en avons dix-huit, dont six à Paris, neuf en province, deux à Londres et un à Dubaï. Et nous regardons désormais en direction des États-Unis et de l'Asie. Parallèlement, nous avons développé des cours de cuisine en ligne et des formations destinées aux professionnels.
"En dix ans, je ne me suis jamais disputé avec mon frère"
En 2004, rien n'était gagné avec un tel projet. Les émissions de cuisine telles que Top Chef ou Masterchef n'existaient pas encore à la télé. L'envie de remettre les Français aux fourneaux était un vrai pari. Quant à ceux qui pensent que travailler en famille est parfois compliqué, je réponds que, en dix ans, je ne me suis jamais disputé avec mon frère. Parfois nous ne sommes pas d'accord, mais nous laissons reposer, comme une pâte, et nous reprenons la discussion le lendemain. Et puis, être en froid avec François signifierait être en froid avec mon associé, mon frère et mon beau-frère, puisque François et moi sommes mariés à deux soeurs ! Enfin, si je devais donner un conseil à de futurs entrepreneurs, je dirais deux choses : tout d'abord, une création d'entreprise, ça se prépare longtemps à l'avance. Avec mon frère, nous avons travaillé sur notre concept pendant deux ans et demi avant de le concrétiser. Il était encore consultant et moi je travaillais chez Nestlé quand nous avons peaufiné notre business plan. Par ailleurs, je recommande l'association. C'est mieux que se lancer en solo. Surtout lorsqu'il s'agit de fêter les bons moments de la vie de l'entreprise."
Publié par Anne EVEILLARD