Retour d'expérience : "Le midi, j'ouvre mon restaurant chez un caviste"

Paris (75) Le chef Patrice Gelbart a été contraint de fermer son restaurant Youpi & Voilà il y a deux ans. Mais il continue son activité en résidence, le midi, en utilisant les locaux d'un ami caviste qui n'ouvre son bar à vin que le soir. Un modèle gagnant-gagnant avec une économie de loyer pour le chef, et des ventes accrues pour le caviste.

Publié le 10 octobre 2017 à 12:20
Mutualiser un lieu : c'est une idée pleine de bon sens mais rare que le chef Patrice Gelbart et son associé Stéphane Camboulive ont concrétisée il y a deux ans avec le caviste Richard Rauh. Après avoir tenu une dizaine d'années son restaurant Les Berges du Cérou à Salles (Tarn), Patrice Gelbart a ouvert en 2012 l'établissement semi-gastronomique Youpi & Voilà à Paris. Lorsqu'il a été contraint de le vendre en 2015, il aspirait à "trouver une autre façon de fonctionner. Je voulais dénoncer les prix au m² à Paris, qui freinent les jeunes voulant s'installer. Des restaurants n'ouvrent que le soir, mais en affichant des prix élevés pour être viables. On se perd en termes de rapport qualité-prix. Or mon métier, c'est de nourrir sainement à un coût accessible", estime le chef, militant pour une alimentation durable, respectueuse et solidaire. Il sympathise avec Richard Rauh, client de son restaurant et patron d'une cave-bar à vin. L'idée de mutualiser ce lieu germe. Désormais, deux entités distinctes se trouvent à la même adresse. Patrice Gelbart et son associé ont installé leur petite cuisine - deux plaques électriques, une hotte et un bain-marie - pour ouvrir le midi Youpi & Voilà en résidence aux Caves de Prague, avec 25 couverts en salle et dix en terrasse. À la fin du service, ils rangent tout pour laisser la place au caviste, qui ouvre à 16 heures.

Confiance et transparence

"Notre fonctionnement est gagnant-gagnant. Nous ne payons pas de loyer, mais en contrepartie, nous achetons environ 800 € de vin chaque mois pour les vendre au verre le midi. Les Caves bénéficient d'une visibilité accrue, et de cinq heures d'ouverture en plus - pendant lesquelles nous pouvons vendre du vin à des clients de passage ou sur place. Dans ce cas, nous appliquons un droit de bouchon de 5 €. Par ailleurs, nous préparons des tapas de qualité que Richard achète à moindre coût. C'est un atout supplémentaire pour les Caves, dont le chiffre d'affaire a augmenté. De notre coté, grâce à cet accord sous contrat, nous avons moins de charges et pouvons baisser les prix de nos formules tout en maintenant une grande qualité. Je continue à me fournir chez les mêmes fournisseurs qu'avant, nous avons de superbes produits. Cela m'a libéré du temps, je peux me consacrer à d'autres projets. Je fais du conseil auprès de restaurants, et nous nous investissons dans des partenariats comme Graines d'un Paris d'avenir, qui défend le métier d'artisan semencier", souligne le chef. Le succès est au rendez-vous, bien que le nom du restaurant ne figure pas sur la vitrine. "Nous sommes mauvais en communication !, s'amuse Patrice Gelbart. Nos clients viennent par le bouche à oreille, pour le rapport qualité-prix. Ils prennent le temps de manger, l'ambiance est agréable. Nous sommes détendus car nous n'avons pas la pression du loyer, du personnel… c'est plus de confort." Au menu, une formule à 16 € (entrée-plat ou plat-dessert) et une petite ardoise. "Nous travaillons en flux tendu et transformons le plus possible le jour même. Le restaurant est ouvert de midi à 14 h 30, nous servons 45 couverts maximum, car Stéphane est seul en salle."

Ce système demande une implication de chacun pour que cela fonctionne. "Nous sommes totalement transparents et travaillons en symbiose. Nous notons tout. Tout est séparé : le personnel, la machine à carte bleue… Pour les factures d'eau et d'électricité, nous faisons le bilan de la consommation à la fin de l'année, détaille le chef. Nous voulions mettre en place un concept durable, reproductible. Des gens intéressés sont venus nous voir. Les freins restent liés à la peur de mettre un inconnu dans son établissement, et à des histoires d'ego aussi." Vu les avantages et le potentiel, la piste du restaurant mutualisé est pourtant à explorer.

Publié par Laetitia Bonnet Mundschau



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