"Dans la minute qui a suivi l'annonce
officielle à la radio et à la télé, les téléphones se sont mis à sonner, sans
interruption", explique Laura Leischener,
réceptionniste à La Bouitte à Saint-Marcel
(Savoie). Le 2 février 2015, l'établissement de René et Maxime Meilleur obtient sa 3e étoile Michelin. "Dès l'annonce, ça a été la folie. Nous étions trois en ligne, avec
double appel, et le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Nous avons enregistré
350 réservations fermes entre 11 heures et minuit contre quinze
habituellement. Ceux qui disent que le Michelin n'a pas d'impact sur les
réservations racontent n'importe quoi. Même une réservation à une date
éloignée, ils la prenaient." Le
standard de la Bouitte a explosé et France Télécom a dû tripler les lignes du
hameau. "Ça a duré des mois. Nous avons été assiégés jusqu'à la fermeture saisonnière
de l'établissement. C'était de la folie, nous venions très tôt le matin et
partions tard le soir pour répondre aux e-mails. Ça ne changeait rien, je n'avais
pas fini de répondre que ma boîte était à nouveau pleine à craquer. C'était un
tsunami, un typhon, une avalanche…"
1 200 demandes d'interviews en quelques heures
Même sentiment pour Yves Bontoux, chargé des relations avec la
presse. "Déjà, quelque jours avant l'annonce, des rumeurs circulaient. Certains
journalistes m'appelaient dix ou vingt fois par jour, parfois jusqu'à une heure
du matin. On a respecté l'embargo. À la minute même où l'annonce est tombée, le
téléphone a commencé à sonner. J'ai reçu, en quelques heures, 1 200 e-mails
de demandes d'interview, du monde entier. L'impact du Michelin est loin d'être un mythe. Avec
le décalage horaire, je travaillais de 7 heures à 4 heures du matin.
J'ai dû organiser les interviews pour préserver le service, toutes les 20 minutes,
de 9 heures à 11 h 30 et de 15 h 30 à 18 heures,
en prévoyant une interprète." Il
faut donc une sacré condition physique pour supporter 'l'après troisième étoile',
surtout si, comme René et Maxime Meilleur, vous choisissez d'être présent dès
le petit déjeuner et de raccompagner le dernier client.
7 j/7 pendant cinq mois
Toute la famille Meilleur travaille à La Bouitte, et a donc vécu ce grand
moment. "En famille, c'est plus fort, explique Maxime Meilleur. Quand la troisième
étoile arrive, vous êtes bouleversé, mais aussi épuisé. Nous vivons une
activité saisonnière, 7 jours sur 7, sans un jour d'arrêt pendant plusieurs
mois. Avant l'étoile, nous avions des jours plus creux qui permettaient de
mettre le personnel au repos. Du jour au lendemain, on a été complet sur cinq
mois. Il a fallu recruter et former du personnel qualifié. Mais en pleine
saison, c'était presque impossible, nous n'en avions pas le temps. Il fallait
aussi gérer la fatigue des équipes et une clientèle différente."
Maxime Meilleur explique cependant ce qui lui a permis de gérer l'après 3e étoile :
"Quand
on s'est préparé pendant quatre ans et qu'on décroche le titre olympique, on
savoure ce moment. Mais, on doit rester le même, ne pas baisser la garde. De
toute façon, l'étoile vous renforce dans vos convictions, on est plus sûr de
ses choix. C'est pour cela qu'il vaut mieux être propriétaire, car on n'a de
comptes à rendre à personne."
René Meilleur avoue que cette 3e étoile lui donne de la
sérénité pour créer, s'affirmer. "Si c'était à refaire, je referais la même
chose, sans rien changer de ma vie. C'est une course difficile. Mais elle est
gratifiante. Que les jeunes talents patientent, ils vont y arriver."
Publié par Fleur Tari