Retour d'expérience : Alexandre Pini, un restaurateur autodidacte à Singapour

Singapour Ce jeune ingénieur vient d'ouvrir un restaurant de viandes cuites au barbecue dans la cité-état asiatique. Récit.

Publié le 02 juin 2015 à 12:01

"J'ai un diplôme d'ingénieur, mais je ne me voyais pas travailler dans cet univers. J'ai l'âme d'un entrepreneur. J'ai donc fait un tour du monde d'un an pour trouver un projet professionnel. J'ai passé trois mois en Australie, puis trois mois au Brésil où j'ai découvert le concept des churrascarias, qui sont des restaurants de viandes cuites au feu de bois. Dans un premier temps, je me suis dit que ça pouvait être sympa de rapporter cette idée à Lille, et de proposer un concept de barbecue toute l'année. Mais j'avais aussi envie d'une expérience à l'international. Il y a quatre ans, j'ai découvert Singapour durant mes études. J'avais adoré le contraste de cette ville, son aspect cosmopolite et tolérant, le dynamisme économique. C'est propre, sécurisé, on y parle anglais, c'est très moderne, il y a des chantiers de construction partout… Bref, j'ai décidé d'adapter mon projet pour cette destination.

Après le Brésil, je suis parti trois mois aux États-Unis où j'ai travaillé pour la chambre de commerce de San Francisco, qui est chargée d'aider les Français à créer leur entreprise. J'ai alors établi mon business plan. J'ai terminé mon voyage à Hong Kong, qui est assez similaire à Singapour : j'y ai simulé la création de mon restaurant en cherchant des fournisseurs, un local… Un véritable exercice pratique. En parallèle, j'ai également fait des petits boulots dans la restauration pour financer mon voyage, ce qui m'a permis de mieux connaître le milieu.
 

Un concept "accessible et international"

En novembre 2014, je suis parti à Singapour pour entamer les démarches administratives. J'ai pris rendez-vous avec les différents organismes concernés et on m'a très bien guidé. J'ai cependant dû avoir recours à une astuce pour créer mon entreprise et obtenir le visa adéquat. Je suis arrivé avec un visa de touriste. J'ai créé l'entreprise au nom d'un ami singapourien, cela a pris quelques heures seulement. Puis il m'a embauché comme directeur, et a démissionné.

Pendant cette période, j'ai visité beaucoup de locaux, et j'ai fini par en trouver un bien placé de 170 m², 60 places assises, pour un loyer de 5 000 €. Après un mois de travaux, j'ai ouvert Braseiro en mars.

Comme il existait déjà deux churrascarias à Singapour, je n'ai pas voulu monter un restaurant typiquement brésilien, mais au contraire quelque chose de très accessible et international. J'ai donc apporté ma touche française. On propose trois entrées (du camembert au barbecue, par exemple), trois plats de viande (du steak, des brochettes de boeuf et du poulet cuits au feu de bois), et trois desserts. On est sur une carte fixe, mais on a aussi une suggestion du mois en plat principal et un dessert du jour. On a des sauces colombiennes et singapouriennes, du vin français, mais aussi de la caipirinha (cocktail brésilien)… J'ai mis pas mal de temps pour mettre au point ces recettes. Pendant un mois, j'ai mangé quatre steaks par jour pour que la viande soit telle que j'en avais envie !

Pour rivaliser avec la concurrence existante, on a intégré un marché moyen de gamme avec un bon rapport qualité-prix : nous sommes deux fois moins chers. 
 

"Les employés ont le dernier mot"

Après deux mois de fonctionnement, on est proche du seuil de rentabilité. Mais tout n'est pas simple, notamment le recrutement. Le gouvernement limite l'immigration et encourage les Singapouriens à faire de grandes études. Il est donc très difficile de trouver de la main-d'oeuvre en restauration. Ma stratégie a été de recruter une dizaine d'étudiants à temps partiel pour travailler en soirée. Faute de salaires élevés (mon salarié le plus qualifié gagne 6 € de l'heure), je leur offre un emploi du temps flexible. Ce sont les salariés qui décident de leur planning chaque semaine. L'inconvénient, c'est que je me retrouve parfois en sous-effectif… Mais on ne peut rien imposer ici. Comme il n'y a pas de chômage, ce sont les employés qui ont le dernier mot.

Ma plus grande difficulté, c'est que j'ai un budget léger. Grâce à un apport personnel et à un prêt familial, j'ai rassemblé les 35 000 € nécessaires pour lancer le restaurant. Mais je n'ai pas droit à l'erreur.

Mon rêve, ce serait de développer Braseiro ailleurs en Asie, voire en Europe. Cependant, je garde les pieds sur terre. Il y a plus de restaurants qui ferment que d'établissements qui ouvrent chaque jour à Singapour ! C'est très compétitif, les loyers sont hors de prix, la main-d'oeuvre est compliquée… Mais il y a beaucoup de concepts à créer, notamment dans le secteur de la restauration rapide."


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Publié par Violaine BRISSART



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